
Quel est le futur de l’art ?
Définir le futur de l’art, quel ambitieux sujet ! Il est périlleux de tenter de discerner le futur lorsque le présent semble déjà si complexe. Pourtant, le monde de l’art de demain est déjà là, en germe. On peut le deviner dans les évolutions culturelles, sociales ou technologiques en cours. En analysant comment, par le passé, l’art s’y est adapté, Artsper vous invite à anticiper certaines grandes tendances à venir.
L’art, le reflet de la société
Il a souvent été affirmé que « l’art est le reflet de la société ». C’est ce qu’a notamment pu défendre Yves Michaud, un célèbre philosophe français.
En effet, l’artiste n’est jamais un créateur isolé. C’est un individu, qui appartient à une société donnée. Ainsi, son œuvre est le résultat de sa relation avec le monde extérieur. Elle peut, ou non, émettre un discours politique. Elle peut, ou non, dépendre d’une démonstration de pouvoir ou de richesse. Ou elle peut, ou non, dialoguer avec les préoccupations humaines, elles-mêmes fortement conditionnées par la culture dans laquelle nous vivons. Même les œuvres non-occidentales, comme les masques et les totems africains ou océaniens (et qui, à l’origine, ne partagent pas la même définition de « l’art ») répondent à ce schéma.
Au cours des dernières décennies, les rapprochements entre « art » et « société » sont devenus plus flagrants. Par exemple, la photographie et la vidéo se sont mises à capter le réel, en le documentant, en le mettant en scène, et parfois en le dénonçant. Le pop art, le nouveau réalisme, et aujourd’hui les artistes néo-kitchs se sont saisis des symboles et icônes modernes. Aujourd’hui, une nouvelle génération d’artistes engagés use de sa visibilité pour dénoncer, invectiver ou sensibiliser le public.
De l’importance des évolutions technologiques
Parallèlement à cette relation complexe entre l’œuvre et la société, l’artiste utilise les moyens plastiques à sa disposition. La peinture, le support ou le matériau sont dépendants du niveau de développement de la société dans laquelle il vit. Et cela affecte grandement son œuvre.
Par exemple, lorsque le tube de peinture est inventé au milieu du 19e siècle, les artistes se sont mis à peindre en plein air. À peine 20 ans plus tard, l’impressionnisme était né. Il est raisonnable d’affirmer que, sans cette invention, ce mouvement artistique n’aurait jamais eu lieu.
Récemment, cette corrélation entre innovation technologique et création artistique est encore plus évidente. De nouveaux matériaux apparaissent dans les œuvres : le plastique, les alliages de métal et les polymères en tous genres. De nouvelles techniques de création émergent aussi : vidéo, photo, imprimante 3D, création à partir de logiciels informatiques, technologies de l’information, réalité virtuelle, etc.
Discerner le futur de l’art
L’importance de l’environnement social et du développement de la technologie est donc centrale dans la création artistique. S’il ne faut pas les surestimer, il faut encore moins les ignorer. Car le futur de l’art se lit dans ces évolutions et leur impact sur les arts.
Il s’agit dès lors de discerner et de prioriser les principales évolutions de notre époque, tant d’un point de vue sociétal que technologique. Les grandes tendances qui gouvernent notre monde sont nombreuses : mondialisation, repli communautaire, crise environnementale, explosion des télécommunications, transhumanisme, intelligence artificielle, lutte contre les injustices raciales, sexuelles ou religieuses… Sans oublier toutes les évolutions technologiques qui sont en cours : réalité virtuelle, impression 3D, création numérique ou algorithmique, matériaux innovants et bien d’autres.
Dans ce contexte, il est difficile de savoir laquelle de ces tendances aura le plus d’influence sur le futur de l’art. Mais on peut malgré tout se laisser aller à quelques projections.
Entre mondialisation et revalorisation communautaire
Le monde connaît depuis plusieurs décennies une accélération sans précédent de la mondialisation. Cela se traduit par un accès, généralisé et constant, à la culture, l’économie, l’industrie et l’information à l’échelle mondiale.
C’est pourquoi une artiste comme Cindy Sherman, qui se met en scène dans des autoportraits depuis plus de 40 ans, peut se saisir de stéréotypes venus du monde entier. Elle se représente aussi bien en ménagère américaine des années 50, qu’en actrice de théâtre japonais.
Toutefois, la mondialisation a longtemps permis une diffusion de la seule culture occidentale. Elle a également favorisé une appropriation, par la culture occidentale, d’autres cultures. On pourrait présager un avenir plus équitable, avec une revalorisation des symboles non-occidentaux, par des artistes non-occidentaux.
Par exemple, l’artiste marocain Hassan Hajjaj se plaît à faire l’éloge de la culture du souk. Il rend hommage aux pionniers de la photographie malienne, comme Seydou Keita ou Malick Sidibé. En prenant les coutumes vestimentaires de son pays, comme le voile, il en fait un accessoire de mode décalé. Il se saisit de produits de consommation locale et s’amuse avec l’affichage, à outrance, des marques de luxe contrefaites. Ce faisant, son œuvre s’intègre dans une logique mondialisée, mais à travers un prisme non-occidentalisé.
La création numérique, un futur de l’art incontournable
En parallèle, l’apparition des ordinateurs modernes, il y a une vingtaine d’années à peine, est sans doute la plus grande révolution artistique en cours. Elle devrait très probablement déterminer une partie du futur de l’art.
Au même titre que le tube de peinture a donné naissance à l’impressionnisme, l’ordinateur (et aujourd’hui les smartphones et tablettes) ouvrent d’immenses possibilités de création. On peine encore à mesurer comment des logiciels comme Photoshop ou Blender (logiciel permettant, entre autres, la modélisation 3D et l’animation) vont révolutionner les arts.
Des artistes comme Beeple, encore inconnus il y a peu de temps, sont emblématiques des nouvelles possibilités de création liées à ces logiciels. Et la possibilité de commercialiser ces œuvres digitales sous forme de NFT ne fait que décupler le potentiel créatif lié à ces nouveaux outils.
Les errances du futur de l’art
Si certaines évolutions artistiques futures sont d’ores et déjà perceptibles, on peut aussi y discerner quelques dissonances. Par exemple, longtemps, l’art fut un milieu confidentiel confiné à un cercle restreint d’amateurs. Mais beaucoup déplorent aujourd’hui un « grand cirque mondial où milliardaires, grandes marques de luxe, marchands globalisés et artistes vedettes ses relaient pour alimenter une spirale sans fin » (Louis Nègre, Arty, 2021).
Cette critique peut être contrebalancée par le fait qu’aujourd’hui l’art est beaucoup plus accessible qu’il ne l’était autrefois. Mais elle n’en est pas moins fondée.
Une partie de la création artistique aujourd’hui est synonyme de divertissement. Les musées se multiplient et deviennent des attractions touristiques. Les centres commerciaux et autres lieux d’accueil rivalisent de créativité artistique pour décorer leurs espaces. Et les marques de luxe collaborent de plus en plus souvent avec des artistes. Ainsi, les frontières entre les beaux arts, le luxe, le divertissement mais aussi les biens de grande consommation sont de plus en plus poreuses et complexes.
Enfin, l’émergence de l’art digital, et particulièrement l’essor des NFT, rend plus confus les limites de ce qu’est une œuvre d’art. Certains se demandent déjà si un CrytpoPunk est plus proche d’une œuvre ou d’une carte Pokémon très rare !
Mais si l’art est le reflet de notre société, restons lucide sur ce qui caractérise notre époque. La marchandisation et la société du loisir en sont devenus des totems. Et il ne serait pas surprenant que ces manifestations artistiques soient finalement celles qui auront le plus d’écho à l’avenir.
En conclusion, les possibilités artistiques liées aux évolutions sociales et technologiques sont virtuellement illimitées, et il est très difficile d’estimer ce que sera le futur de l’art. Il y a tant de passions et de fantasmes sur ce qui caractérisera notre époque, que seul un devin serait à même d’y voir une trajectoire linéaire. Alors, tâchons simplement de garder les yeux, et surtout l’esprit, ouverts.

À propos d’Artsper
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