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Pourquoi les grands artistes déménagent-ils au Nouveau-Mexique ?
La minute arty 15 Juil 2022

Pourquoi les grands artistes déménagent-ils au Nouveau-Mexique ?

C’est au hasard d’une visite que la jeune Georgia O’Keeffe se retrouve au Nouveau-Mexique. Après un détour inattendu de son train, elle arrive à Sante Fe en 1917. A posteriori, et au vu du très riche patrimoine artistique du Nouveau-Mexique qui a suivi, nous pouvons remercier cet incident fortuit ! Mais savez-vous d’où provient l’attraction magnétique qu’exerce le Nouveau-Mexique sur les artistes ? Répondez à cette question avec Artsper, en explorant les merveilles de la région. Un premier indice ? Il faut remonter bien avant l’arrivée de O’Keeffe ! Alors, commençons à creuser…

Georgia O'Keeffe devant sa toile
Georgia O’Keeffe devant sa toile © The Telegraph

Pourquoi le Nouveau-Mexique est-il si célèbre ?

Parmi la pluralité d’artistes qui ont posé leur chevalet dans le désert aride du Nouveau-Mexique, la plus célèbre est peut-être O’Keeffe. C’est au détour d’un de ses voyages que O’Keeffe, après sa première exposition personnelle à New York, découvre ce lieu. Celui-ci sera ni plus ni moins que la source d’inspiration de l’œuvre de sa vie. Les vastes étendues et la lumière incandescente du Nouveau-Mexique sont déjà des premières explications au fait que la région ait captivé les artistes au fil des ans. « Je suis ici au Nouveau-Mexique et je vais quelque part, je ne sais pas exactement où, mais c’est génial. Je n’ai jamais rien vu de tel auparavant », s’exclame O’Keeffe dans une lettre à son mari Alfred Stieglitz.

Il n’est pas rare d’entendre parler d’un artiste qui fuit l’agitation de la ville. Ni d’entendre qu’ils se retirent à la campagne à la recherche d’un renouveau artistique. Ici, dans la nature sauvage du Nouveau-Mexique, O’Keeffe a trouvé une source d’inspiration éternelle. De plus, O’Keeffe n’est pas la seule à avoir savouré la beauté de cet état américain. En effet, une multitude d’artistes des 19ème et 20ème siècles, dont Henriette Wyeth, Peter Hurd, R.C. Gorman, Paul Burlin, Wilson Hurley, Sonny Rivera, Glenna Goodacre, Allan Houser, Luis Jimenez, Judy Chicago, Agnes Martin, Ken Price et Bruce Nauman, ont également été attirés par la solitude et les paysages grandioses du Nouveau-Mexique, y trouvant une source de refuge et de renaissance artistique.

Le paysage du Nouveau-Mexique
Un paysage du Nouveau-Mexique © Wikipedia

Une inspiration qui vient de la terre

Géographiquement, le Nouveau-Mexique est un état situé dans le sud-ouest des États-Unis. Il est bordé par le Texas, l’Oklahoma et les États mexicains de Chihuahua et de Sonora. Son climat et sa géographie sont très variés, allant des montagnes boisées aux déserts clairsemés. C’est la vaste région méridionale, hébergeant le désert de Chihuahua plus aride, qui attira de nombreux artistes comme O’Keeffe. Quelle ironie de constater que c’est dans un paysage désertique et sans vie que les artistes ont trouvé le terreau idéal de leur expression artistique.

Ghost Ranch, la maison de Georgia O'Keeffe Nouveau-Mexique
Ghost Ranch, la maison de Georgia O’Keeffe © Architectural Digest

Une riche histoire ethnique

Au-delà de la beauté naturelle de la région, il existe une autre raison pour laquelle les artistes affluent au Nouveau-Mexique. Celle-ci se trouve dans l’existence de ses cultures indigènes, si différentes de celles des artistes. Au 19ème siècle, les premiers artistes migrateurs suivent une tradition de peinture classique, qui tendait à rendre romantique la vie indigène à laquelle ils étaient exposés.

Le patrimoine ethnique et culturel du Nouveau-Mexique est d’une richesse incontestable. À l’époque préhistorique, le Nouveau-Mexique abritait les Puebloans ancestraux, les Mogollons et les Comanches et Utes modernes. Peuple très créatif, les Mogollons sont connus pour leurs céramiques. Ces exemples de poteries hautement décorées présentent un symbolisme ancien.

Exemple de céramique du tradition Navajo
Exemple de céramique du tradition Navajo © Navajopeople.org

La reconnaissance des peuples indigènes

Plus tard, dans la chronologie de l’histoire disparate du Nouveau-Mexique, les peuples Navajo et Apache apparaissent au 15ème siècle. Malheureusement, le patrimoine artistique de ces peuples reste largement méconnu en raison de l’héritage post-colonial. Aujourd’hui encore, on a souvent tendance à négliger l’héritage artistique des indigènes du Nouveau-Mexique et de leurs descendants au profit des grands noms du célèbre modernisme américain. C’est le cas de l’artiste R.C. Gorman. Artiste natif américain et Navajo, R.C. Gorman a créé des dessins et des peintures qui idéalisaient des femmes Navajo, de sa propre origine ethnique.

Un portrait des femmes venant du peuple Navajo
Un portrait des femmes venant du peuple Navajo © Ms. Magazine

L’influence espagnole

Au cours de leur histoire mouvementée, les peuples indigènes ont d’abord été colonisés par les explorateurs espagnols au 16ème siècle. Les colons ont baptisé le territoire « Nuevo México » en référence à la vallée aztèque du Mexique. Après que l’Espagne ait abandonné son contrôle sur la région, celle-ci est devenue une région autonome du Mexique en 1821.

En raison d’une politique intérieure instable qui a culminé avec la révolte mexicaine de 1837, la région est devenue de plus en plus dépendante des États-Unis. Cette grande puissance a annexé le territoire en 1848, à la fin de la guerre mexico-américaine. Avec les Puebloans, les Mogollons, les Navajos et les Apaches, puis les explorateurs espagnols et l’afflux de peintres modernistes du 20ème siècle, cette confluence d’influences a joué le rôle de creuset artistique et culturel.

La route 66, vers la liberté artistique

L’immigration massive dans cette région est en partie due à son vaste réseau de transport. El Camino Real de Tierra Adentro, la plus ancienne autoroute du pays, a joué un rôle crucial pour transporter les colons européens du Mexique vers la Nouvelle-Espagne, le long d’une route commerciale de 1 200 miles. De nombreux Néo-Mexicains d’aujourd’hui sont des descendants de ces premiers colons, composés de chercheurs d’or, d’aventuriers, de trappeurs et d’émigrants en quête de gloire. La facilité de la migration s’explique également par la mise en service de la Route 66 en 1926. Depuis, cette route est devenue le synonyme d’un culte artistique connu pour sa célèbre philosophie hippie et libre.

Si ces routes symbolisent la migration des personnes, elles transportent, avec elles, les idées. Lorsque les artistes affluent dans la région, ils ramènent des influences artistiques de l’Ouest et d’ailleurs. Mais ils se sont aussi imprégnés des traditions passées et des célèbres paysages du Nouveau-Mexique, se nourissant de tout ce que l’histoire artistique indigène leur offrait en retour.

La Route 66
La Route 66 © Wikipedia

Le Nouveau-Mexique au 20ème siècle : le Graal pour les artistes

Elle est surnommée la mère du modernisme américain et la spécialiste des couchers de soleil du Sud-Ouest… Vous l’avez reconnue ? S’il y a bien un seul nom qui représente les beaux-arts au Nouveau-Mexique au 20ème siècle, c’est celui de Georgia O’Keeffe ! D’ailleurs, elle s’installe définitivement à Abiquiú en 1949, après y avoir séjourné pendant deux décennies.

Georgia O'Keeffe, Black Mesa Landscape, 1930, Alcalde, Nouveau-Mexique, US
Georgia O’Keeffe, Black Mesa Landscape, 1930, Alcalde, Nouveau-Mexique, US © Wikipedia

Des fleurs gigantesques, des crânes d’animaux blanchis et des vastes paysages ont rempli ses toiles dès son installation pendant les mois d’été au Ghost Ranch, à Abiquiú. Parmi les autres lieux chers à l’artiste au Nouveau-Mexique, citons Black Place, près de Chaco Canyon, qu’elle réinterprète en broyant la terre noire de la région pour en faire un pigment qu’elle applique directement sur ses toiles. Démontrant la diversité du paysage du Nouveau-Mexique dans son œuvre, O’Keeffe a également dépeint la White Place, ou Plaza Blanca. En effet, elle adorait peindre le drame des falaises de grès de la Place Blanche. 

Si elle est restée la plus célèbre, elle n’était pourtant pas la seule…




Un collectif d’artistes inspirés

Dans le cadre du « New Deal » du président Franklin D. Roosevelt, l’affinité entre l’art et le Nouveau-Mexique s’est épanouie dans les années qui ont suivi la Grande Dépression. Le WPA Federal Art Project était un programme spécifique du New Deal, destiné à financer les arts visuels aux États-Unis. C’est grâce à ce projet, financé par l’État, que des artistes locaux comme Patrocinio Barela ont pu poursuivre leur carrière. La participation du sculpteur à la WPA a débouché sur une carrière réussie.

Paul Burlin, résident de Santa Fe, était une figure importante du premier mouvement artistique moderniste. « Il a été pendant de nombreuses années l’homme de référence des idées modernistes au Nouveau-Mexique », a déclaré Andrew Connors, conservateur d’art au musée d’Albuquerque. Ses œuvres ont été présentées à l’Armory Show d’art moderne à New York en 1913. À partir du milieu du 20ème siècle, de nombreux autres artistes modernistes ont trouvé leur inspiration au Nouveau-Mexique. Parmi eux, Raymond Jonson, cofondateur du Transcendental Painting Group à Albuquerque. Il est devenu professeur d’art moderniste à l’université du Nouveau-Mexique.




Une retraite d’artistes du Nouveau-Mexique

Pour répondre à la question, « pourquoi les grands artistes viennent-ils en masse au Nouveau-Mexique ? », la réponse est simple. L’évasion, la géologie accidentée, les vastes étendues de terres inhabitées et le ciel changeant constituent l’ultime échappatoire de l’artiste. Libéré des distractions de la monotonie urbaine, un tel paysage ne peut qu’inspirer. D’ailleurs, l’héritage culturel du Nouveau-Mexique est toujours aussi vivace aujourd’hui, avec de nombreuses retraites artistiques qui accueillent chaque année de nouveaux artistes dans la région. Le New Mexico Museum of Art de Santa Fe et le Dallas Museum of Art perpétuent l’héritage indigène et moderniste américain. Ces musées possèdent des collections ambitieuses d’œuvres d’art importantes pour les communautés du Nouveau-Mexique et d’ailleurs. Ainsi, le Nouveau-Mexique mérite une place de choix sur la scène artistique internationale. À moins que O’Keeffe préfère garder ce lieu dont elle était amoureuse, secret ?

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