
La passion de Georgia O’Keeffe et Alfred Stieglitz
Georgia O’Keeffe et Alfred Stieglitz sont deux des plus grands artistes américains de la première moitié du 20ème siècle. Ensemble, ils ont formé un couple passionnel et complexe. Avec Artsper, partons à la découverte de ce célèbre duo de l’histoire de l’art.
Quelques éléments biographiques
Georgia O’Keeffe et Alfred Stieglitz sont tous les deux américains. Elle est originaire d’une famille nombreuse de paysans du Midwest. Lui est originaire d’une famille juive aisée et cultivée du New Jersey.
Lorsqu’ils se rencontrent en 1916, elle a 29 ans, et lui 52 ans. Il est photographe, galeriste, et déjà bien installé dans le paysage artistique new-yorkais. Stieglitz a notamment fondé le groupe « Photo-Secession », un groupe de photographes qui explore les possibilités artistiques et documentaires de ce nouveau médium. Il a aussi fondé Camera Works, un magazine de référence dans le monde de la photographie. Surtout, il est le créateur de la galerie 291, qui expose les peintres d’avant-garde européens et américains.
C’est dans ce dernier contexte qu’il rencontre Georgia O’Keeffe. À cette époque, elle finit son enseignement artistique. En 1916, l’une de ses amies envoie, contre la volonté de Georgia O’Keeffe, une série de fusains abstraits à Alfred Stieglitz, qui les expose. C’est le début de leur histoire…
Le coup de foudre entre Georgia O’Keeffe et Alfred Stieglitz
Dès leur rencontre, Georgia O’Keeffe et Alfred Stieglitz tombent sous le charme l’un de l’autre. Georgia O’Keeffe devient rapidement la muse du photographe, qui prend près de 300 photographies d’elle, sous tous les angles. Ses mains forment des mouvements hypnotiques et dansants. Il enchaîne les cadrages serrés sur le grain de sa peau, le détail d’un membre, et les cadrages plus larges. La charge érotique est palpable : il brûle de désir pour elle et elle brûle de désir pour lui.
Cette relation charnelle et passionnelle se retrouve dans leurs œuvres respectives. Chez Stieglitz, ce sont dans ses photographies. Chez Georgia O’Keeffe, bien qu’elle s’en défende, c’est dans ses abstractions aux évocations sensuelles. Cette passion se retrouve également dans leurs lettres. « Comme je brûlais de vous photographier – les mains – la bouche — & les yeux – et la gorge » lui écrit Stieglitz dans leurs échanges épistolaires quasi quotidiens. Enfin, il expose les clichés de O’Keeffe à la vue de tous, assumant pleinement leur relation.
Stieglitz, qui était alors marié à Emmeline Obermeyer, divorce et épouse Georgia O’Keeffe en 1924. C’est l’année culminante de leur relation d’amour, tant dans la passion que dans les échanges artistiques.
La maturité de leur amour et de leur travail
Au fil des années, le succès du couple continue à grandir. Souvent, la notoriété de Georgia O’Keeffe a été attribuée aux efforts de son mari, mais aujourd’hui son talent individuel est désormais reconnu avec plus de justesse. Car si Stieglitz a exposé ses dessins en 1916, après en avoir fait sa muse et présenté ses œuvres aux côtés de grands artistes, c’est finalement l’art de Georgia O’Keeffe qui l’a propulsée vers la gloire.
Dans la galerie 291 qu’il dirige, Stieglitz a représenté de nombreux noms célèbres. Cet espace est comme un trait d’union entre la peinture d’avant-garde européenne et américaine. Côté européen, il expose Rodin, Picasso, Braque, Cézanne, Matisse, Duchamp, Brancusi. Côté américain, il expose Charles Demuth, Arthur G. Dove, Marsden Hartley, John Marin et O’Keeffe.
Sur le plan personnel, le mariage entre Georgia O’Keeffe et Alfred Stieglitz se poursuit, mais de façon tumultueuse. En 1929, elle découvre le Nouveau Mexique avec ses plaines et ses déserts, ses étendues vides et sauvages. Le cœur de cœur est immédiat pour Georgia O’Keeffe, qui avait grandi dans une ferme du Midwest. Son travail, moins inspirée par son mariage, revient alors à son amour des grands espaces. Elle se délecte de ces paysages bruts. Le Nouveau Mexique devient pour l’artiste son lieu de retraite artistique, à l’image de Giverny pour Monet. Elle puise dans cette immensité l’inspiration pour l’abstraction qu’elle recherche.
La fin de leur amour
Au fil des années, la relation entre Georgia O’Keeffe et Alfred Stieglitz prend une tournure complexe et abusive. Lui est jaloux, et sent la rivalité de sa femme peser sur sa propre carrière. Elle est farouchement indépendante et ne goûte guère les immiscions de son mari dans son travail ni les mondanités auxquelles elle doit se plier.
Progressivement, elle multiplie les allers-retours au Nouveau Mexique, désireuse de fuir la propriété familiale de Stieglitz de Lake George. Bien que vivant essentiellement à distance, Georgia O’Keeffe et Alfred Stieglitz demeurent très proches et correspondent régulièrement. Mais leurs vies, et leurs parcours artistiques prennent des chemins séparés, elle au Nouveau Mexique et lui à New-York.
Après le décès de Stieglitz en 1946, Georgia O’Keeffe s’installe définitivement au Nouveau Mexique, où sa célébrité ne cesse de croître. Elle meurt à 98 ans, en 1986, quarante ans après la mort de celui avec qui elle formé un duo emblématique.

Georgia O’Keeffe et Alfred Stieglitz : une nouvelle lecture des couples d’artistes ?
Tous deux, Georgia O’Keeffe et Alfred Stieglitz, font partie des grands couples de l’histoire de l’art, mais ils ne sont pas les seuls. Plusieurs couples d’artistes célèbres ont marqué l’histoire… Par exemple, Constance Mayer et Pierre Paul Prud’hon, Camille Claudel et Auguste Rodin, Robert et Sonia Delaunay ou encore Frida Kahlo et Diego Rivera. Souvent, ces couples s’influencent grandement dans leurs pratiques artistiques respectives. Et – comme tous les couples – ils connaissent ensemble des hauts et des bas qui affectent leur production, leur succès, voire leur santé.
Mais il y a toujours un risque, un biais, dans le récit qu’on en fait a posteriori. Celui-ci consiste à lire le travail de la femme à la lumière du travail de son conjoint, souvent plus célèbre et plus vieux qu’elle au moment de leur rencontre. Rappelons à ce sujet que l’époque patriarcale dans laquelle ils vivaient a bien souvent contraint les femmes artistes à devoir lutter pour se faire reconnaître. Leurs conjoints les ont aidées à intégrer des cercles artistiques où elles ont pu puiser l’inspiration et trouver le succès. Et ces déséquilibres n’ont pas encore disparu aujourd’hui…
Ainsi, les historiens voient trop fréquemment dans les couples d’artistes une relation partiale, où l’influence est à sens unique, où l’aide est unilatérale. Il n’en est rien ! Tout artiste puise son influence et son succès dans son environnement. Et les échanges artistiques sont palpables chez chacun des couples précités. Si néanmoins, les femmes artistes ont bénéficié de l’aide de leur conjoint, tâchons d’en décortiquer les raisons au lieu d’en questionner la légitimité.
Les mots de la fin…
Georgia O’Keeffe et Alfred Stieglitz demeurent à jamais l’un des couples les plus emblématiques dans l’histoire de l’art. Mais la vision que l’on a de ce couple a changé. Si auparavant tout le succès de O’Keeffe était attribué à Stieglitz, il est enfin admis que Georgia O’Keeffe avait un talent unique et une véritable force créatrice. Tous deux ont été respectivement les muses l’un de l’autre, mais après leur séparation, ils ont trouvé de nouvelles sources d’inspiration. Georgia O’Keeffe s’est plongée dans les paysages naturels qui l’entouraient, tandis que Stieglitz a continué à influencer grandement la scène artistique new-yorkaise. Depuis sa mort, la renommée de Georgia O’Keeffe n’a cessé de croître et ce n’est que le début…

À propos d’Artsper
Fondée en 2013, Artsper est une marketplace en ligne d’art contemporain. En partenariat avec 1 800 galeries d’art professionnelles autour du monde, elle rend accessible à tous la découverte et l’acquisition d’œuvres d’art.
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