
La fascination de Van Gogh pour les tournesols

Vincent van Gogh ne cessera jamais de fasciner et d’attiser la curiosité. L’une des particularités de l’artiste tourmenté aura été de ne connaître qu’une gloire posthume. Cet aspect de son œuvre reflète précisément sa vie troublée par des crises cycliques, impossibles à enrayer. Dans le tourment du quotidien, Van Gogh trouve la lumière et lui donne une place prépondérante dans son travail, où coups de pinceaux dynamiques et couleurs vives s’embrassent. Dans cet écosystème artistique, un motif émerge : les tournesols. Voici quelques explications sur cette fascination motivée par une histoire hors du commun.
L’enfance dans un milieu rural

Milieu du 19ème siècle. Les Van Gogh mènent une vie simple à Zundert, une ville rurale des Pays-Bas. Cette enfance sans remous au sein d’une famille bourgeoise impactera considérablement l’artiste, qui en garde une marque indélébile. Notamment parce qu’il arrive au monde pas moins d’un an après le premier enfant du foyer, mort-né. Cette tragédie marque la famille, alors que Vincent naît dans l’angoisse et la peur de la perte d’un être cher. Renfermé, l’enfant trouve du réconfort dans la rêverie et la banalité du quotidien.
Pour bien saisir l’ampleur du culte que voue Van Gogh aux tournesols, il est nécessaire d’explorer les fragments d’histoire que l’artiste nous a laissés. Venant d’un village dont l’importance sur la scène culturelle ou politique se voulait assez réduite, le luxe et l’excès ne faisaient pas partie de son enfance. C’est peut-être la raison pour laquelle il aimait tant cette fleur qu’il surnommait « rustique ». Dans celle-ci, il ne décelait pas une once de raffinement, mais bien une beauté des plus particulières : celle de la vraie campagne, de la vraie vie, des vraies gens. Le tournesol était épais et imparfait, ses pétales pointus et sa tige à l’apparence changeante, pivotant au gré du déplacement du soleil. On peut deviner que sa couleur vive aidait l’artiste à illuminer ses journées tantôt néerlandaises, tantôt parisiennes entre 1886 et 1888, et tantôt arlésiennes dès l’hiver 1888.
L’histoire des séries des Tournesols
En août 1888, Van Gogh écrit à son frère et éminent marchand d’art, qu’un grand tournesol aperçu dans une vitrine près de sa galerie lui inspira la première série des Tournesols. Réalisée en 1887, cette dernière représente des tournesols déposés sur une table, face à lui. La seconde, elle, est peinte à Arles et composée de six toiles, dont deux qu’il appelle des répétitions.
Ces deux périodes et étapes de la vie de l’artiste sont tristement connues pour avoir été destructrices et brutales, bien qu’extrêmement prolifiques. En effet, c’est durant celles-ci que le peintre compose ses pièces les plus iconiques, celles qui laisseront une trace significative dans l’histoire de l’art. D’ailleurs, vers la fin de sa vie, Van Gogh se remémorait inlassablement son enfance à Zundert, aux côtés de ses frères et sœurs. Cette nostalgie se retrouve notamment dans une de ses toiles, où l’on aperçoit sa mère et sa sœur dans un jardin fleuri de tournesols.
Le rôle de Gauguin dans l’obsession des tournesols

Hiver 1888. Vincent van Gogh et Paul Gauguin cohabitent le temps d’une poignée de semaines dans la fameuse maison jaune à Arles, dans le sud de la France. Ces 63 jours sont marqués par une admiration commune qui se transformera en une amitié déchue pour les deux artistes post-impressionnistes. Après sa première série de Tournesols datant de 1887, Van Gogh revient à son amour pour la plante colorée durant ses jours partagés avec Gauguin à Arles. Après avoir invité son ami à le rejoindre dans cette modeste maison provençale qu’il rêve comme l’épicentre utopique de leurs productions, Van Gogh se met en tête de décorer la chambre de son camarade. Quoi de mieux pour orner les murs de la maison jaune que des tournesols flamboyants ?
Leur relation, bien qu’amicale, se révéla être partiellement motivée par un objectif financier. En effet, Theo van Gogh, en tant que marchand d’art, joua un grand rôle dans la carrière florissante du peintre français tout fraîchement débarqué de son excursion en Martinique. Cependant, les deux artistes se vouaient un grand respect, et participèrent à la reconnaissance de l’un l’autre. L’attention que Gauguin portait aux toiles de Van Gogh représentant des tournesols motiva sûrement le génie néerlandais à poursuivre ses compositions de natures mortes. Le Français finit d’ailleurs par demander des toiles provenant des deux séries de Tournesols. Elles comptabilisaient au total 11 œuvres, dont une fut perdue durant la Seconde Guerre mondiale. Malgré leurs différends et l’épisode tragique de l’accident de Van Gogh, le duo continua sa correspondance jusqu’à la mort prématurée de ce dernier.
La symbolique du tournesol

Chez Van Gogh, le tournesol est le fruit de son époque. La plante représente les différents stades de la vie ; bien qu’elle resplendisse lorsque le soleil est à son zénith, elle n’en est pas moins inspirante lorsqu’elle se désagrège silencieusement. À l’époque, les travaux des impressionnistes autour de la lumière et des couleurs influencent grandement le peintre. En effet, il a, lui aussi, l’envie soudaine d’insuffler des nuances contrastantes dans ses huiles. Ton sur ton, jaune sur bleu, vert sur jaune ; Van Gogh expérimente la couleur. La plus souveraine d’entre elles ? Le jaune, bien sûr.
Au fil des représentations, le peintre sacralise la fleur. Il en fait le symbole de la vie, la personnification de la lumière et de la pureté d’une existence simple. Il pouvait inlassablement la peindre, se nourrissant encore et toujours de son pouvoir, comme s’il voyait en elle une mère nourricière ou un même un guide sacré. Van Gogh disait qu’elle symbolisait la gratitude.

Dans le même temps, elle lui apportait un grand réconfort. Il émet l’idée d’associer deux de ses natures mortes à un portrait emblématique qu’il peint en janvier 1889, intitulé La Berceuse. La toile représente Augustine Roulin, l’épouse de Joseph Roulin, maître de poste à Arles. Il peint à multiples reprises la famille, cependant, ce portrait met en lumière la figure maternelle. Augustine symbolise la maternité et le réconfort. Son souhait de joindre à cette représentation allégorique deux versions de ses précieux tournesols semble couler de source ! Ce triptyque était pour lui la matérialisation de la gratitude.
L’ambition de ne faire plus qu’un

Un sentiment de singularité animait Van Gogh. Dès son plus jeune âge, l’artiste a travaillé à cultiver ce riche for intérieur. Bien que soutenu émotionnellement et aimé inconditionnellement par son cadet, il vécut seul, dans des environnements souvent instables. Il se reconnaissait dans le tournesol, qu’il considérait comme un être vivant plus que spécial. Alors que ses collègues ne portaient pas une attention particulière à la plante, il décida de miser sur elle. Il décida de chérir celle qui passait jusqu’alors inaperçue.
Gauguin dit des tournesols qu’ils étaient « totalement Vincent ». Pendant une courte période, car seulement entre 1886 et 1889, ils devinrent la patte de l’artiste. Dans une lettre datant de 1889 à l’intention de son frère Theo, Vincent van Gogh écrit : « Le tournesol est à moi ». À ses funérailles, les proches du défunt tenaient dans leurs mains des tournesols.
La courte carrière de Vincent van Gogh ne manqua pas de profondément marquer la peinture moderne. Ses paysages, portraits et natures mortes figurent parmi les œuvres majeures du 19ème siècle et, plus largement, du canon de l’histoire de l’art. Elles se vendent aujourd’hui pour plusieurs dizaines de millions de dollars. Vous pouvez même retrouver ses tournesols aux quatre coins du globe, dans les plus grands musées !

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