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Comprendre la représentation de la vie domestique dans les peintures de Mary Cassatt
La minute arty 20 Jan 2022

Comprendre la représentation de la vie domestique dans les peintures de Mary Cassatt

Autoportrait de Mary Cassatt
Mary Cassatt, Portrait of the Artist, circa 1878 © Metropolitan Museum of Art, New York

Elle peignait la vie domestique. Elle représentait la vie dans la sphère intime, s’attardant sur la relation unique entre mère et enfant. Oscillant entre peinture, gravure et pastel, Mary Cassatt marqua son époque. Seule membre américaine du groupe des impressionnistes, cette portraitiste de talent était aussi l’une des seules femmes à en faire partie. Sa présence disruptive, son engagement féministe, sa sincérité, l’ont rendue incontournable. Plongez avec Artsper dans son univers caractéristique de la vie domestique de la bourgeoisie française du 19ème siècle.

Peinture de Mary Cassatt, 1880
Mary Cassatt, Five o’Clock Tea, 1880 © Museum of Fine Arts, Boston

Mary Cassatt : une femme américaine parmi les impressionnistes français

La jeune Mary naît en 1844 à Allegheny (aujourd’hui Pittsburgh), en Pennsylvanie. Elle grandit au sein d’une famille de riches banquiers d’origine française. L’éducation de la jeune femme s’inscrit en tandem entre Etats-Unis et France, où elle séjourne quelques années durant son enfance, alors que son frère Robbie souffre d’un cancer des os. 

La langue, la culture française font partie d’elle. Il en est de même pour sa mère, Katherine, qui parle couramment français. Néanmoins, cette dualité culturelle influence Mary Cassatt sans lui faire perdre de vue un sentiment profond : elle est une femme américaine. Alors, elle poursuit ses études à l’Académie des Beaux-Arts de Pennsylvanie, qu’elle quitte prématurément. Elle y apprend les bases de son art, dont le travail de la couleur, sans s’émerveiller des enseignements proposés. De plus, on lui interdit de peindre des modèles vivants, en raison de son genre. 

En 1865, la jeune Mary s’installe à Paris avec sa mère et une amie, Eliza Haldeman. C’est dans cette ville qu’elle s’éprend et s’inspire de l’œuvre de Degas, pour qui il lui arrive d’être modèle. Elle le rencontre au Salon de 1874, se tenant du 15 avril au 15 mai. 30 artistes peintres participent à l’exposition organisée dans l’atelier-studio du photographe Nadar. Parmi eux, figurent les grands noms de l’Impressionnisme ; Cézanne, Sisley, Monet, Degas, Renoir… Et une femme, française, Berthe Morisot.

Seule américaine reliée au mouvement, Mary Cassatt participe à la quatrième exposition officielle du groupe des impressionnistes en 1879 et participe aux suivantes, jusqu’en 1886. Cependant, l’artiste se qualifiait d’« indépendante » plutôt que d’impressionniste, rejetant le terme car consciente de sa capacité à créer son propre chemin.

Peinture de Mary Cassatt, 1895
Mary Cassatt, Nurse Reading to a Little Girl, 1895 © Metropolitan Museum of Art, New York

Un féminisme revendiqué

Mary Cassat peint les femmes. Enchevêtrée dans un milieu définitivement masculin, elle n’échappe pas au stéréotype voulant que les femmes ne devraient pas peindre professionnellement. Celle qui venait d’une famille bourgeoise vivra une vie teintée de contradictions, entre conventions et modernité. Ses parents mettront du temps avant d’accepter son activité, l’encourageant à parfaire son éducation mais rejetant son envie profonde de devenir artiste peintre, considérée comme inacceptable pour une femme de son rang. Pour elle, Paris est un terrain de jeu et sa seule chance de vivre de sa passion. 

Elle retrouve cette volonté de rompre avec les traditions dans la vision impressionniste, pour qui liberté et originalité du regard constituent les principaux points de ralliement. Néanmoins, la peintre ne jouit pas du même statut social que ses pairs, et trouve sa liberté dans la sphère privée. Lorsque sa sœur Lydia tombe malade, elle prend soin d’elle et passe davantage de temps auprès des siens, dans l’intimité de son domicile.

Cassatt saisit l’occasion pour peindre la vie domestique ; celle des femmes, des enfants, qui vivent et évoluent ensemble. Elle avait le contrôle, chose rare pour une femme à l’époque. Elle se met à peindre des fillettes, qui ont le pouvoir de devenir ce qu’elles veulent. Son œuvre se distingue de celle de ses confrères masculins, notamment dans sa façon de représenter la maternité. Aussi, en variant formes et moyens, elle parvient à représenter des scènes de vie sans jamais sexualiser les corps. Celle qui ne se mariera pas pour préserver sa carrière de peintre, trouvera une reconnaissance mondiale dans son interprétation moderne du sujet fondamental qu’est le lien maternel. 

Peinture de Mary Cassatt, 1899
Mary Cassatt, The Sun Bath, with Three Figures, 1899 © Sotheby’s

La représentation de la sphère domestique

Les peintures de Mary Cassatt mettent en scène des femmes bourgeoises et, par extension, leurs enfants. Effectivement, à l’époque, le rôle de parent est tenu uniquement par la mère. De ce fait, dès les années 1890, le thème principal de son œuvre est la maternité. Elle a pour modèles récurrents sa sœur Lydia ainsi que Susan, cousine de sa gouvernante. Mais parfois, la figure maternelle d’une maison se trouve être la nourrice et non la mère. C’est pourquoi le travail de Mary Cassatt s’inscrit en opposition au sentimentalisme. 

Chez elle, les émotions passent par les mouvements, les expressions. Elle adopte un coup de pinceau rapide et esquissé. Dans la sphère intime, à l’intérieur, les enfants jouent, dorment, lisent. Cassatt capture le quotidien et trouve de la beauté dans la banalité. Son sujet de prédilection, injustement jugé de léger, lui donne une image d’amatrice, comme une membre à part du groupe. Pourtant, son œuvre est majeure et s’inscrit comme un pilier du 19ème en France. Prenant part aux mouvements impressionnistes et post-impressionnistes, Cassatt est une portraitiste et coloriste prodige. 

Mary Cassatt, The Boating Party, 1893-84 © National Gallery of Art, Washington

La maîtrise des techniques, clé de l’œuvre de Mary Cassatt

Dès 1890, son travail est profondément influencé par la gravure japonaise, qu’elle découvre en visitant une exposition. L’artiste s’instruit dans l’art de l’estampe et adopte définitivement la technique de l’eau-forte, de l’aquatinte et du vernis mou. Son travail atypique est remarqué et admiré de Zola, Gauguin, Pissarro… Autant sur le plan technique qu’esthétique, Cassatt excelle, ce qui lui vaut quelques jalousies. De plus, elle introduit la couleur dans ses gravures et réalise un véritable exploit technique. Elle grave à propos des thèmes qu’elle affectionne particulièrement : l’univers féminin, la maternité, la lecture, le théâtre… Entre 1890 et 1910, elle atteint le sommet de son art. 


Aussi, ses tableaux et ses pastels sont d’une douceur inégalée et saisissent à la perfection le rebondi des joues des enfants, la chair des bébés, la douceur des interactions entre ses modèles. À l’aise en intérieur comme à l’extérieur, l’artiste se veut tout de même plus portraitiste que paysagiste. De nombreux critiques emprunts du sexisme de l’époque loueront sa capacité à saisir la tendresse maternelle, car elle est une femme. Pourtant, elle ne sera jamais elle-même mère.

Fresque pour l'Exposition Universelle de Chicago
Fresque pour l’Exposition Universelle de Chicago © Les Amis de Mary Cassatt

L’importance de l’accès à la connaissance

Mary Cassatt est une femme de son temps, pour le meilleur et pour le pire. Son genre, sa nationalité, son engagement féministe et ses sujets de prédilection l’enferment dans une case. Elle n’est pas la bienvenue à l’opéra quand son ami et mentor Degas s’y rend. En 1891, elle apprend qu’elle est exclue de la société des peintres graveurs, à laquelle elle appartenait avant qu’elle ne soit interdite d’accès aux étrangers. Néanmoins, l’artiste tente toute sa vie d’imposer sa vision de la féminité et des droits qui en découlent. En effet, elle soutient le mouvement des suffragettes en 1915, notamment par le biais de ventes de tableaux.

Réticente face aux systèmes de jurys qu’elle trouve défaillants, elle refuse deux prix pour sa peinture La caresse : celui de l’Académie des Beaux-arts de Pennsylvanie et celui de l’Institut d’Art de Chicago. 

En 1892, le Pavillon de la Femme de l’Exposition universelle de Chicago lui commande une fresque. Elle saisit l’occasion pour transmettre son puissant message. Dans cette fresque allégorique aujourd’hui disparue, appelée La Femme moderne, elle juxtapose trois panneaux : Jeunes femmes poursuivant la gloire, Jeunes femmes récoltant les fruits de la connaissance, Jeunes femmes incarnant l’Art, la Musique et la Danse. Mary Cassatt réussit par là à mettre en lumière l’importance de l’éducation des femmes et leur excellence. En effet, elle peint son rêve d’une société dans laquelle tous les genres sont égaux et où les femmes ont accès à la connaissance, à la culture et au même statut social que les hommes. La fresque ne représente aucun homme : seulement des femmes, certaines passant des fruits, ceux de la connaissance, à la prochaine génération.

Gravure de Mary Cassatt, 1894
Mary Cassatt, Feeding the Ducks, 1894 © Metropolitan Museum of Art, New York

L’impact durable de Mary Cassatt

Aujourd’hui et plus que jamais, l’œuvre de Mary Cassatt semble d’actualité. Cette artiste incarne un combat contemporain et continue d’inspirer par le biais de ses divers engagements. Ses célèbres représentations de la sphère domestique s’inscrivent dans un mouvement artistique majeur, l’impressionnisme, tout en rappelant le caractère unique de l’artiste : une femme américaine, parmi les impressionnistes français. 

Si vous souhaitez poursuivre votre lecture, nous vous proposons de découvrir notre article sur les 5 femmes engagées à suivre dans le monde de l’art !

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