Qu'est-ce que le Memento Mori ?

Pouvant être traduit par la phrase « Souviens-toi que tu te meurs », le Memento Mori nous rappelle la fragilité de l’existence. C’est un art du symbole, qui use de nombreuses images et métaphores pour évoquer notre inévitable finitude. Mais en quoi consiste l’art Memento Mori, exactement ? Et quelles différentes significations prend-il, en fonction des époques et des cultures ? Artsper vous propose de découvrir ce courant artistique passionnant, allant de la nature morte au portrait décalé !

L’art Memento Mori : symboliser la mort

Mouvement imprégné d’une grande dimension symbolique, l’art Memento Mori regorge d’objets qui rappellent ou incarnent la mort. Symbole universel, la tête de mort est l’image la plus courante et la plus explicite. Mais le crâne n’est pas l’unique représentation de notre finitude, loin de là. Dans ce courant artistique, les allégories sont nombreuses et variées.

Parmi les sujets les plus fréquents, le sablier, symbole du temps qui s’écoule et sur lequel nous n’avons aucune emprise. Moins poétique, mais plus explicite : la métaphore de la montre et de sa course folle. On retrouve aussi la bougie et sa flamme vacillante, prête à s’éteindre au moindre coup de vent. Viennent ensuite tous les éléments naturellement beaux, mais périssables, comme les fleurs ou les fruits en décomposition. Une mouche posée sur de la nourriture peut aussi faire son apparition. Le papillon, quant à lui, représente le caractère furtif de la vie, ainsi que la persistance de l’âme au-delà de la mort. Plus subtil, la présence d’un livre peut représenter la vanité de la connaissance ou, au contraire, la sagesse de l’âme.

L’art Memento Mori, une origine stoïcienne

Vous l’aurez compris, le Memento Mori consiste à se souvenir de notre condition éphémère. Et cette marque d’humilité ne date pas d’hier… puisqu’elle était une pratique bien connue des stoïciens de la Rome antique. Le Memento Mori faisait même partie d’un rituel ayant lieu après une victoire de guerre. Lorsqu’un général était célébré pour ses victoires, un esclave se tenait derrière lui, prononçant au creux de son oreille : « Memento mori ! Respice post te, Hominem te esse memento. » – « Souviens-toi que tu vas mourir ! Regarde derrière toi, n’oublie pas que tu n’es qu’un homme. » Une sorte de garde-fou, rappelant au glorieux commandant qu’il était – comme tout le monde – voué à mourir.

L’humilité stoïcienne réinterprétée par le christianisme

Cette notion se retrouvera bien plus tard, dans de nombreux tableaux réalisés entre le 16^ème et le 18^ème siècles. Ici, l’humilité est suggérée grâce au réalisme pictural. Ces vanités et autres natures mortes sont d’une précision hors du commun. Les jeux de lumière, les détails incroyablement méticuleux, la retranscription – presque palpable – des matières, les effets de transparence… tout est fait pour sembler réel. Et ce faux-semblant n’est pas sans rappeler les duperies de nos sens. Nous ne sentons pas notre finitude, mais elle n’en est pas moins réelle, inévitable. À cette représentation s’ajoute aussi une dimension chrétienne : privilégier l’immortalité spirituelle aux plaisirs charnels.

Un courant artistique universel

L’art Memento Mori a donc pour but premier d’exposer ce que nous tentons sans cesse d’enfouir : notre mort certaine. Il soulève des enjeux à la fois moraux et métaphysiques, se pliant aux cultures et aux religions qu’il traverse. Très présent dans l’art mexicain, le Memento Mori s’observe aussi en Indonésie, en Europe occidentale et en Afrique centrale. Il prend donc des formes très différentes : abordant notre peur de la mort, comme notre nécessité de rester humble. Parfois, il évoque la bataille du spirituel sur le corporel ou dénonce la tentation de succomber au déni. Il traduit aussi le rejet de toutes vanités, comme la recherche d’argent ou de pouvoir. Alors, il rappelle l’égalité de tou.te.s face à la fragilité de la vie… car que nous soyons mendiant.e ou milliardaire, nous y succomberons de la même manière.

L’art Memento Mori : se rappeler l’impensable et honorer le vivant

Fascinant, l’art Memento Mori détient aussi le pouvoir de nous rappeler que toute inquiétude face à la mort est vaine. Que pourrions-nous craindre de quelque chose que nous n’allons pas vivre ? La mort est un non-événement, dont l’unique leçon à tirer est d’honorer la vie. Ou comme le disait Marc Aurèle : « Rappelle-toi combien précieux est le privilège de vivre, respirer, d’être heureux. La perfection de notre conduite consiste à employer chaque jour que nous vivons comme si c’était le dernier, et à n’avoir jamais ni impatience, ni langueur, ni fausseté. Il nous faut nourrir l’âme avec la sagesse qui vient de l’acceptation de la mort. »