
Versailles et l'art contemporain
L’histoire de » Versailles et l’art contemporain » commence par ces mots : » Par décret du Président de la République en date du 6 juin 2007, M. Aillagon (Jean-Jacques) est nommé président de l’établissement public du musée et du domaine national de Versailles « . Ces deux lignes publiées au Journal Officiel de la République vont changer à jamais le Domaine de Versailles, et en même temps marquer une nouvelle orientation dans la gestion des monuments historiques.

S’il est vrai que Christine Albanel, la précédente directrice, avait amorcé la revitalisation du Château avec des expositions de robes Christian Lacroix et un accent mis sur le marketing et le secteur privé, la nomination de Jean-Jacques Aillagon a définitivement bouleversé l’immobilisme des conservateurs scientifiques. Il met en place une politique d’œuvres de grande envergure et, plus spectaculaire, invite chaque année un artiste star de l’art contemporain à dialoguer avec le lieu.
En 2008, la première personne à faire les frais de ce projet très controversé a été la star du pop-kitten Jeff Koons. En 2009, ce fut Xavier Veilhan, en 2010 Takashi Murakami, en 2011 Bernar Venet, en 2012 Joana Vasconcelos, en 2013 Giuseppe Penone, en 2014 Lee Ufan, et enfin, en 2015, Anish Kapoor.
Malgré la récurrence de ces événements, devenus incontournables dans la programmation du Château de Versailles, les critiques ne tarissent pas…
#1 Pourquoi tant de tumulte face à l’art contemporain à Versailles?

Il est vrai qu’à l’occasion de ces expositions, les visiteurs peuvent être victimes de ce métissage culturel. Venus des quatre coins du monde, ils viennent pour découvrir et admirer le plus célèbre palais au monde. Pourtant, la présence d’œuvres d’art contemporain est imposée, de gré ou de force, à l’œil de ces visiteurs venus contempler Versailles dans toute sa pureté. Or, les artistes, invités à se confronter à ce monument de la démesure, prennent l’habitude de présenter des oeuvres tout aussi démesurées, modifiant de manière significative l’aspect de Versailles le temps d’un été.
Mais ce ne sont généralement pas les touristes qui expriment leur mécontentement, mais plus les associations de protection du patrimoine et les riverains Versaillais. Ceux qui connaissaient déjà bien le lieu donc… Car dès qu’une œuvre contrevient à l’image qu’ils se font de Versailles ou de l’art, ces groupuscules lèvent leurs boucliers et les pétitions ou les critiques fusent dans la presse. C’est le cas en ce moment à propos des œuvres d’Anish Kapoor, dont la connotation sexuelle contreviendrait à l’esprit de Versailles. Curieuse ironie pour ce palais aux mœurs sexuelles très flexibles…
Pour ces militants conservateurs, il semblerait que l’obscurantisme prenne parfois le pas sur la lucidité. C’est en tout cas ce qui transparait en lisant leur pétition qui a déjà réuni 2800 signatures…
#2 L’art contemporain à Versailles serait-il contraire à l’intérêt public ?

Le domaine de Versailles est un établissement public guidé par une mission d’intérêt général : la sauvegarde, la mise en valeur et la promotion du Château et du Domaine de Versailles. Or c’est précisément dans cet esprit que les expositions sont organisées.
Les expositions d’art contemporain sont avant tout l’occasion de re-densifier le public national. En d’autres mots, d’attirer un grand nombre de français qui connaissent déjà le Château et qui reviennent pour voir l’exposition. Par conséquent, l’engouement créé apporte des revenus importants au domaine, qui ne débourse pas un centime pour l’artiste (Anish Kapoor aurait d’ailleurs déclaré « J’en ai assez de faire des cadeaux à la France. La prochaine fois qu’on voudra m’inviter, il faudra avoir l’argent et ne pas demander que je le trouve moi-même »). Il n’empêche que le Château de Versailles est l’un des seuls monuments historiques français à avoir des recettes qui compensent presque entièrement ses dépenses… Et la politique de grands travaux en bénéficie beaucoup !
#3 Versailles et l’art contemporain : Pourquoi ?

La plus grande responsabilité du Domaine de Versailles est sans doute de trouver des œuvres qui auront une complicité visuelle et intellectuelle avec le lieu.
Depuis 2008, le pari semble être gagné, le monument et les œuvres bénéficient de leurs présences réciproques. Immédiatement, les œuvres entament un dialogue fait de références, de citations, de résonances, de provocations, de mise en abîme, de perspectives ou de conflits. Il faut dire aussi que le lieu s’y prête… La matière historique donne à réfléchir, et le lieu, avec ses grandes perspectives et ses grands espaces, est idéal pour les artistes qui savent exploiter l’espace avec talent.
Sur les 8 artistes qui ont été invités jusqu’à présent, on constate d’ailleurs que 5 d’entre eux (Xavier Veilhan, Bernard Venet, Giuseppe Penone, Lee Ufan et Anish Kapoor) ont privilégié une forme de land art, avec des œuvres disséminées dans le domaine au rythme des allées, des bassins ou des cours ; tandis que trois d’entre eux (Jeff Koons, Takashi Murakami et Joana Vasconcelos) ont préféré exposer des œuvres dans le Château, se confrontant ainsi au mobilier de Versailles.
#4 Une politique dont il faut s’inspirer ?

La recherche de l’autofinancement et l’autosuffisance des institutions culturelles est une politique menée depuis plusieurs années. Afin de réduire les dépenses et d’optimiser leurs gestions, le ministère de la culture pousse de plus en plus les conservateurs et les directeurs d’établissement à trouver de nouveaux financements pour leurs institutions.
En la matière, la gestion de Jean-Jacques Aillagon a été exemplaire car il a su équilibrer les comptes du domaine et dynamiser sa fréquentation avec des projets osés et très médiatisés. Catherine Pégard, la nouvelle directrice du Domaine de Versailles depuis 2011, a su maintenir ce cap et les expositions n’ont pas perdu de leur dynamisme, pour le plus grand plaisir des amateurs d’art.

À propos d’Artsper
Fondée en 2013, Artsper est une marketplace en ligne d’art contemporain. En partenariat avec 1 800 galeries d’art professionnelles autour du monde, elle rend accessible à tous la découverte et l’acquisition d’œuvres d’art.
En savoir plus