
L'art au service des marques?
L’art et les marques de luxe s’apprivoisent depuis plus de 20 ans. L’art « à la commande » a toujours existé, et de nombreux grands peintres ont survécu grâce à des œuvres commandées.

Aujourd’hui, l’art, le « design » pénètre tous les foyers, le kitsch n’est plus… ou alors revendiqué ! Chaque objet doit être « beau », les biens de consommation courante doivent être aussi élégants que les articles de luxe : votre grille-pain doit être assorti à votre sac ! Ainsi, l’art n’est plus inaccessible, mais il s’est transformé en une certaine forme de » merchandising « . On parle de marketing artistique et c’est devenu un mode de communication à part entière.
Mais ce rapprochement se fait-il au détriment de la liberté artistique en raison de la dépendance économique qui s’instaure ou, au contraire, ouvre-t-il d’autres perspectives ? Ainsi, la liberté artistique est souvent opposée à la « liberté » éditoriale du commanditaire. Cela signifie-t-il que le processus créatif est corrompu dès lors qu’il est orienté vers un objectif de profit ? C’est effectivement un risque.
Telle ou telle grande marque affichera sa collaboration avec un artiste » à côté » sur une série limitée (ex : H&M/Karl Lagerfeld), alors qu’elle continue à inonder le marché de produits de masse. Peut-on alors croire à la sincérité de la marque comme à celle de l’artiste, ou au contraire, n’est-ce pas une pure opération commerciale, une opération de « dupes » (le consommateur).
Comme pour tout, rien n’est tout blanc d’un côté et tout noir de l’autre.

Il ne faut pas généraliser, certaines marques donnent leur chance aux jeunes talents et les laissent s’exprimer librement. Certaines marques font réellement preuve d’un engagement sincère dans leur utilisation de l’art contemporain. L’éventail des relations entre artistes et marques est donc de plus en plus large et va du mécénat, de l’amour de l’art à son instrumentalisation.
Historiquement, les associations entre artistes et marques (annonceurs) étaient presque accidentelles, liées essentiellement au hasard des rencontres et des circonstances. Peu à peu, une collaboration plus réfléchie s’est mise en place, plus désirée et plus substantielle, souvent sur le long terme. C’est ainsi que de plus en plus d’artistes acceptent de devenir partenaires de grandes marques. Mais ce sont surtout les grands noms artistiques qui sont souvent recherchés au détriment des jeunes talents. Le prestige de l’artiste, sa célébrité, devient ainsi une valeur ajoutée qui peut être monétisée auprès du consommateur.
Par exemple, en commandant à un artiste la conception de ses fenêtres, une nouvelle frontière entre le monde de l’art et les entreprises se dessine.
Chaque partie semble y trouver son compte et la liberté des artistes est totalement respectée. Même s’ils deviennent des « prestataires de services » qui répondent à un brief avec un cahier des charges, les clients les choisissent pour leur style et savent qu’ils n’ont aucun intérêt à être trop intrusifs dans le processus de création. Quant au produit, il reste tel qu’il est.

Les marques ont compris qu’elles avaient une carte à jouer en se positionnant non pas comme des mécènes de l’art contemporain mais en réinventant le concept de la commande : le produit devient une source d’inspiration pour l’artiste et permet de valoriser l’image de marque de l’entreprise, voire de créer tout un univers. En créant un lien direct avec le produit, le message associé à l’œuvre prend une toute autre dimension.
Ainsi, il n’y a pas une, mais plusieurs relations possibles entre l’Art et les Marques. De la plus noble, celle du mécénat, à la plus mercantile, comme le merchandising et le marketing.
L’artiste doit préserver sa liberté de création, voire sa liberté de déranger, et en même temps servir une marque et un message publicitaire.
Pour prendre un exemple, ou plutôt un artiste qui nous est cher, les célèbres campagnes publicitaires de Benetton réalisées en collaboration avec Eric Ravelo en étaient une parfaite illustration.
Voyons le côté positif pour les jeunes talents : l’aide apportée aux artistes par les marques qui les sollicitent couvre leurs frais et leur permet de disposer des matériaux qu’ils souhaitent, voire d’en expérimenter de nouveaux, tout en leur permettant de bénéficier d’une reconnaissance et d’une visibilité souvent très médiatisées.
Image de marque / droit d’auteur

Une entreprise a souvent tendance à considérer qu’une œuvre commandée lui appartient ad vitam aeternam et qu’elle peut en disposer comme bon lui semble. Or, il n’en est rien.
Le respect même de l’œuvre ainsi créée fait l’objet d’âpres négociations, souvent sujettes à des modifications apportées sans l’accord de l’artiste, parfois même sans l’en informer. D’où l’importance croissante des accords contractuels entre artistes et entreprises. Ceux-ci doivent régir la liberté artistique, les modalités et l’étendue de la cession des droits et, surtout, la compensation, tant financière qu’en termes de visibilité et de droit à la paternité de l’œuvre (droit au nom).
En fonction de sa notoriété, l’artiste pourra plus facilement imposer ses conditions de création, limiter l’étendue de la cession de ses droits, et même, pour certains, monétiser le paiement de redevances annuelles et non plus une rémunération forfaitaire, si fréquemment pratiquée.
Il appartient donc à nos artistes de préserver leur liberté et leur esprit critique afin de ne pas devenir de simples exécutants au service d’un argument publicitaire.

À propos d’Artsper
Fondée en 2013, Artsper est une marketplace en ligne d’art contemporain. En partenariat avec 1 800 galeries d’art professionnelles autour du monde, elle rend accessible à tous la découverte et l’acquisition d’œuvres d’art.
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