Art Abroad: Mexique !
Pays trop souvent associé à la violence des cartels, à la drogue et à la corruption, que connait-on, nous européens, de l’art contemporain et au sens large, de l’art au Mexique? En-dehors de Frida Kahlo et de Diego Rivera, pas grand-chose. Si l’art contemporain mexicain critique, s’engage et dénonce, c’est avant tout la dimension sociale qui est omniprésente: l’histoire, le peuple, le souvenir, la mémoire et l’avenir. Montrer ce qui se passe en dehors de nos frontières, c’est l’ambition de cette rubrique. Aujourd’hui : Bayrol Jiménez.
Elle, 2013 (Acrylic on paper)
Jeune artiste d’une trentaine d’année, Bayrol Jiménez caractérise l’art de sa génération en ces termes : « Ce sont des sujets sociaux et politiques qui nous rassemblent. Et pourtant, cela ne fait pas de nous des artistes engagés. Mon travail émane de ce que j’ai vécu, dans la ville, dans la rue, à chaque instant. Je fais des dessins inspirés de la bande dessinée, avec humour noir pour rendre les choses plus légères. » Originaire de Oaxaca, ville historique à 6h de Mexico, Bayrol Jiménez s’exile tout d’abord en France, à Nice plus précisément, où il débute ses études d’art. Il revient par la suite au Mexique où il travaille actuellement.
Largement inspirées des comics américains des années 60, les œuvres de Bayrol Jiménez font écho à la tradition des tiendas mexicaines. En effet, encore aujourd’hui, les commerçants décorent leurs façades avec des peintures murales représentant des héros populaires de la culture mexicaine moderne. Néanmoins, ces fresques sont réalisées par des amateurs ce qui donnent aux corps idéalisés une allure gauche, décalée et par-là profondément ironique. Comme on peut le voir dans le dessin Taste Rico, l’artiste choisit de dénaturer l’œuvre de toute forme de romantisme en représentant un couple s’embrassant goulûment. L’inscription franco-espagnole « Taste Rico », qui signifie « avoir bon goût » mais qui désigne aussi les personnes riches, reflète l’influence américaine dans la culture mexicaine.
Taste Rico, 2012 (Acrylic on paper)
24 Publicity in 24 hours, 2012 (Acrylic on paper)
Entre dessin et installation, Bayrol Jiménez met en scène ses œuvres, les fait sortir du simple cadre de papier pour qu’elles viennent se répandre sur le mur, le sol. Dans No holds barred en 2011, un landau vient prolonger le dessin lui donnant une force visuelle impressionnante. De même, dans Mmaldito en 2012, installation également présentée dans le cadre de l’exposition 2000-2012 : l’art mexicain en résistance au Musée d’Art Moderne de Paris, le dessin se prolonge sur le sol où le mot « robar » (« voler ») se multiplie. Le dessin représente des corps fragmentés, squelettes, sourires grimaçants, des armes et des gens qui se cachent derrière des carcasses de voitures. Les symboles du pouvoir, de l’argent, de la mort et de la violence sont omniprésents notamment à travers l’aigle bleu (emblème du géant américain) qui retient dans ses serres le serpent mexicain rouge et vert.
No holds barred, 2011 (Mixed media on paper)
Maldito, 2012 (Acrylic on paper)
Maldito (detail), 2012 (Acrylic on paper)
Loin d’être figées, ses œuvres sont en évolution permanente et requierent parfois l’intervention du public comme on peut le voir dans l’exposition Recuerditox présentée en 2011. Les murs étaient recouverts de feuilles de papier où se déployait une fresque gigantesque et les spectateurs étaient invités à venir soulever les dessins pour découvrir au dos un message ainsi qu’un autre dessin accroché sur le mur. Ils pouvaient à la fin de l’exposition repartir avec le dessin qu’ils avaient soulevé.
Fourmillant de mille détails, inscriptions, visages, les œuvres de Bayrol Jiménez prônent la saturation et invitent le spectateur à s’approcher, scruter et observer le dessin. A l’inspiration toujours renouvelée, il réinvente également la technique du dessin en reproduisant et en mettant en scène des inscriptions gravées par des inconnus sur des trottoirs et où la ville ne devient pas seulement un sujet mais aussi une technique, comme le montre l’œuvre Huellaurbana.
Huellaurbana (work in progress), 2012 (Mixed media on paper)
Huellaurbana (final result), 2012 (Mixed media on paper)
Bayrol Jiménez propose un regard empreint d’humour, de violence certes mais aussi de beaucoup d’amour et de générosité envers son pays. Il est un excellent reflet de la société mexicaine moderne mais aussi de son histoire et des doutes qu’elle traverse actuellement.
Doom heads in form of totem, 2012 (Gouache on paper and wall) 250 x 115 cm
Monumento, 2013 (Mixed media on paper) 94 x 139 cm
Me At Station, 2012 (Mixed media)
Me At Station (detail), 2012 (Mixed media)
The Roads of Devotion, 2012 (Mixed media on paper) 110 x 80 cm

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