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Décryptage de l'œuvre La Grande Vague de Hokusai
La minute arty 12 Mar 2022

Décryptage de l'œuvre La Grande Vague de Hokusai

La Grande Vague de Hokusai
Hokusai, La Grande Vague de Kanagawa, 1830, Estampe gravée sur bois

La Grande Vague de Hokusai est probablement l’œuvre japonaise la plus connue à travers le monde. À tel point qu’elle sera prochainement reproduite sur les billets de banque japonais ! Pourtant, l’œuvre est aussi célèbre qu’elle est méconnue. Partons à la découverte de ses multiples secrets…

Description de la Grande Vague de Hokusai

D’apparence, la Grande Vague d’Hokusai se lit facilement. La scène représente des marchands de poissons qui reviennent de Tokyo après y avoir écoulé leur pêche. L’estampe a été réalisée entre 1830 et 1831.

On y voit plusieurs embarcations, prises dans une tempête au large de la préfecture de Kanagawa. Huit rameurs et un ou deux passagers composent les barques. Elles font près de 12 mètres de long, tandis que les vagues font jusqu’à 14 mètres. Il y a donc peu de chances qu’ils en réchappent. Au loin, le ciel est paisible et le mont Fuji recouvert de blanc. Ce calme contraste avec la tempête qui gronde. Attention ! La vague du typhon est sur le point de les engloutir…

Détail de La Grande Vague de Hokusai
Détail de Hokusai, La Grande Vague de Kanagawa, 1830. Estampe gravée sur bois

Des interprétations multiples et complexes

Vous avez sans doute vue de cette œuvre de nombreuses fois. Mais il y a fort à parier pour que vous ne l’ayez jamais vraiment bien observée. Malgré son apparente simplicité, elle est en réalité d’une merveilleuse complexité.

Par exemple, avez-vous remarqué que la mer et le ciel prennent respectivement la moitié de l’œuvre ? La vague qui tourbillonne entame un cercle dont le centre pourrait être le milieu de l’œuvre. Cela ne vous rappelle-t-il pas le symbole du Yin et du Yang ? Cette œuvre serait ainsi une évocation directe des principes taoïstes et bouddhistes. Autrement dit, on y voit un espace fait de violence et de brutalité, qui contraste avec le calme paisible du ciel, comme une métaphore de la dualité humaine.

Vue du principe du Yin et du Yang dans la grande vague de Hokusai
Vue du principe du Yin et du Yang dans la Vague de Hokusai

D’autres y ont vu une main effrayante, voire un dragon. Cette théorie est d’autant plus vraisemblable que Hokusai a, quelques années auparavant, peint des mangas fantomatiques. Ses œuvres fantastiques sont connues de tous au Japon. Et il y a des rapprochements stylistiques évidents l’estampe de la Grande Vague et certaines créatures précédentes de son œuvre.

Enfin, voyez comme la vague la plus haute se fragmente… Chaque extrémité de la vague reprend la forme de la vague elle-même. La composition évoque une notion d’infini, impalpable et méditatif.

Hokusai, Manga, première moitié du XIXe, estampe gravée sur bois
Hokusai, Manga, première moitié du XIXe, estampe gravée sur bois

Une technique spécifique

L’œuvre est une estampe gravée sur bois, c’est-à-dire qu’il existe un modèle original, sur bois, qui peut ensuite être reproduit à l’infini. Ce qui explique pourquoi la Grande Vague de Hokusai est présente dans de nombreuses collections de musées à travers le monde, notamment au British Museum à Londres, à la BNF et au Musée Guimet à Paris, à Giverny, ou encore au Metropolitan Museum de New York.

Cette technique permet, notamment, de réaliser des grands aplats de couleur aux multiples nuances. Le bois creusé en divers endroits accueille ainsi une couleur unique, qui se diffuse ensuite sur toute la surface. Gra^ce à cette méthode, le rendu est extrêmement stylisé. C’est exactement ce que l’on voit dans le traitement de l’écume, qui semble presque zébré.

Autre avantage et non des moindres, c’est un procédé qui permet une reproduction facile. Peu coûteuse à produire, l’estampe se diffuse facilement.

Technique de la gravure sur bois
Technique de la gravure sur bois

La tradition de l’estampe

L’œuvre fait partie d’un mouvement artistique appelé l’ukiyo-e. Il dure de 1602 à 1868, soit 266 ans. Cette période est bien plus longue que les mouvements artistiques occidentaux de la même époque. Mais en réalité, il couvre une grande variété de styles et de sujets. Ce style doit particulièrement son succès au développement de l’estampe gravée sur bois qui permet aux collectionneurs japonais de se procurer des œuvres à des prix plus raisonnables.

Hokusai est l’un des artistes les plus emblématiques de ce courant. Il a produit près de 3000 tirages couleur, près de 1000 peintures, et plus de 200 livres illustrés. Certes, la Grande Vague est le plus grand succès de sa carrière. Mais elle s’intègre également dans un ensemble plus vaste. Entre 1830 et 1833, Hokusai réalise en particulier une série baptisée Trente-six vue du Mont Fuji. Comme son nom l’indique, elle rassemble trente-six estampes qui représentent le Mont Fuji sous différentes vues et à différentes saisons. Cette série connaît un retentissement succès, encore vivace aujourd’hui.

Hokusai, Le Fuji par temps clair, 1830, Estampe gravée sur bois
Hokusai, Le Fuji par temps clair, 1830. Estampe gravée sur bois

L’inspiration occidentale dans La Grand Vague de Hokusai

Cette œuvre est également un témoin de l’influence occidentale, qui commence alors à pénétrer les arts japonais. Dans la Grande Vague, Hokusai applique les principes de la perspective, tout en respectant la tradition japonaise. Cette œuvre est une interprétation japonaise des codes de la peinture occidentale.

Un autre élément est à noter, moins visible, mais non moins important : l’arrivée du bleu de Prusse. C’est un bleu plus intense et plus acide que le bleu indigo traditionnellement utilisé. Tout juste introduit à cette époque, la Grande Vague d’Hokusai est l’une des premières estampes à utiliser cette couleur. Captivante et presque magnétique, cette nuance si particulière a contribué au succès de l’estampe.

Hokusai, Navire rapide luttant contre les vagues, 1805
Hokusai, Navire rapide luttant contre les vagues, 1805

La postérité de la Grande Vague de Hokusai

Le succès de cette œuvre auprès du public japonais s’explique bien entendu par les nouveautés stylistiques et par l’immense talent de Hokusai. Nombreux sont ceux qui jugent que l’artiste est parvenu à un certain de degré de perfection avec cette œuvre. Ce n’est pas la première fois qu’il exécute ce type de vague dans son travail, mais l’estampe de 1830 est le point culminant de son travail.

La postérité de la Grande Vague de Hokusai est aussi due à son impact en Occident. En effet, tout au long de la seconde moitié du 19ème siècle, on voit se développer ce qu’on appelle le « japonisme ». Ce courant aura une influence décisive sur les impressionnistes dès la fin des années 1850. Ils apprécient l’interprétation libre des motifs et les aplats de couleur. Ces derniers revendiquent l’affranchissement des règles traditionnelles de la peinture et un traitement plus créatif de la couleur. Ils reprennent aussi le cadrage serré, décentré, qui laisse parfois une partie du sujet sortir de la toile. D’ailleurs Claude Monet avait un exemplaire de la Grande Vague dans sa collection personnelle, qui comptait pas moins de 231 estampes !

La postérité de La Vague de Hokusai
Claude Monet, Le Bassin aux Nympheas, 1899, 90 × 90 cm, Art Museum, Princeton

Et aujourd’hui ?

Aujourd’hui, la Grande Vague de Hokusai est partout. Vous pourrez aussi bien la croiser sur des billets de banque de 1.000 yens dès 2024, que sur des timbres postes ou des chaussettes. Elle a également inspirée les artistes contemporains, qui aiment lui rendre hommage ou la détourner avec des éléments comiques ou décalés. Cette œuvre est devenue une véritable icône, à tel point que, comme La Joconde parfois, à force d’être vue, elle n’est plus regardée…


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