Les 5 artistes des années 90 à connaître

Les années 90 ont été marquées par des changements politiques et culturels majeurs. La peur du terrorisme a peu à peu remplacé celle de la guerre froide. La démocratie capitaliste a connu une croissance constante et le numérique a transformé notre façon de vivre et de consommer. Face à ce climat changeant, les artistes ont réagi avec des œuvres reflétant le monde moderne et la place qu’ils y occupent. Souvent centrées sur l’expérience humaine, de nombreuses œuvres de cette période abordent les questions d’identité et de genre. Découvrez avec Artsper cinq des artistes les plus influents des années 1990, explorant la peinture, l’installation, la photographie et la sculpture.

1. Jenny Saville

La peintre Jenny Saville appartenait aux YBA (Young British Artists) dans les années 1990. Ce mouvement rassemble des artistes issus de l’université Goldsmiths de Londres. Mené par Damien Hirst, le groupe devient le synonyme de la scène artistique britannique de cette période. Leurs expositions, souvent provocantes, et attirent rapidement l’attention internationale.

Saville est surtout connue pour ses représentations à grande échelle de femmes nues. Son travail remet en question la tradition académique du nu, où les femmes sont typiquement représentées comme passives et pures. Elle nous offre un regard féminin et non objectivé sur le corps des femmes. Dans l’œuvre Propped, considérée comme l’un de ses chefs-d’œuvre, Saville interroge les perceptions culturelles de la beauté et le rejet social des corps gros. En rappelant l’influence des maîtres comme Rembrandt et Freud, Saville se positionne dans l’histoire du nu féminin en questionnant et subvertissant la tradition.

2. Tracey Emin

Lorsque l’on pense à la scène artistique des années 90, Tracey Emin est l’une des premières artistes qui nous vient à l’esprit. Également membre des YBA, son œuvre est expressive et audacieuse. Elle explore souvent son identité en tant que femme, aussi bien dans les arts que dans la société contemporaine. Elle traite d’émotions intenses et d’expériences personnelles, abordant des thèmes tels que l’amour, la perte, le chagrin et le désir.

Everyone I Have Ever Slept With 1963-1995 est l’une des œuvres les plus célèbres d’Emin. Il s’agit d’une tente affichant les noms de toutes les personnes avec lesquelles l’artiste a dormi dans un lit, romantiquement ou non. Ainsi l’œuvre cite son frère, sa mère, ses deux fœtus avortés et divers partenaires amoureux. Les spectateurs sont invités à entrer à l’intérieur de la tente pour la découvrir dans son ensemble. L’œuvre est pleine de contrastes, à commencer par les matériaux utilisés. Elle rassemble des pièces cousues à la main, sur un objet fabriqué en série : la tente. Celle-ci devient à la fois un lieu de refuge – un espace privé et serein – et une exposition publique des moments les plus intimes de l’artiste. C’est l’histoire de la vie d’Emin, racontée à travers l’histoire de son corps et de ses relations, qu’elles soient durables ou éphémères. 

3. Wolfgang Tillmans

C’est l’un des artistes contemporains les plus influents. Wolfgang Tillmans se fait connaître dans les années 90 en photographiant la scène des clubs allemands. Son travail est innovant dans le traitement de ses sujets, à la fois ludique et socialement critique, et dans le mélange des genres et des techniques.

Tillmans a expérimenté des techniques de photographie abstraite depuis le début de sa carrière. Il a poursuivi cette pratique au cours des deux dernières décennies, produisant des photographies non représentatives. Elles mettent l’accent sur la matérialité du tirage, tout en remettant en question la hiérarchie entre la photographie et les beaux-arts. 

Le style d’exposition de Tillmans s’écarte également des normes du monde de l’art. Au lieu d’encadrer ses œuvres, il les fixe souvent directement aux murs à l’aide d’épingles et de ruban adhésif. Par ailleurs, il place des toiles grand format à côté d’images et de photocopies de la taille d’une carte postale ! De ses choix de sujets à ses techniques de production en passant par son style d’exposition, Tillmans a un style unique. Il explore à la fois son environnement et la photographie, mettant en lumière le caractère extraordinaire du quotidien. 

4. Kara Walker

L’artiste américaine Kara Walker, spécialisée dans l’installation, est sans doute l’une des artistes les plus influentes de sa génération. Ses œuvres utilisent souvent des silhouettes en papier découpé. Elle les combine ensuite à des éclairages, des performances, des ombres chinoises, des collages et des animations. Son objectif ? Créer un dialogue autour des hiérarchies sociales, des rapports de pouvoir, des origines et du genre. 

L’une des œuvres monumentales de Walker est Gone, an Historical Romance of a Civil War as It Occurred Between the Dusky Thighs of One Negress and Her Heart. Il s’agit d’une peinture murale de 15 mètres de long. Elle regroupe des silhouettes grandeur nature, décrivant des scénarios troublants de violence et de sexe dans le Sud américain. Dans cette œuvre, Walker utilise la technique du papier découpé, populaire au 18ème siècle, pour aborder l’histoire et les conséquences actuelles de l’esclavage en Amérique. Ainsi, elle livre une version subvertie de la peinture d’histoire traditionnelle. Cette œuvre a fortement choqué le public contemporain. Plusieurs artistes afro-américains ont également critiqué l’utilisation par Walker de caricatures racistes. À ce sujet, Walker a déclaré que « la silhouette en dit beaucoup avec très peu d’informations, mais c’est aussi ce que fait le stéréotype ».

5. Felix Gonzalez-Torres

Felix Gonzalez-Torres est un artiste américain d’origine cubaine. Il est connu pour son engagement dans l’activisme social et politique des années 1990 en tant qu’homme ouvertement homosexuel. Il utilisait souvent des objets du quotidien comme des ampoules, des piles de papier et des bonbons emballés dans ses œuvres. 

Untitled (Portrait of Ross in L.A.) consiste en une pile de bonbons emballés individuellement. L’ensemble pèse 175 livres, soit le poids moyen d’un homme adulte. Les visiteurs sont invités à prendre des morceaux de bonbons pour les éloigner de l’œuvre, diminuant ainsi progressivement sa taille et son poids. L’œuvre est un hommage au partenaire de l’artiste, Ross Laycock, mort de complications liées au sida en 1991. C’est l’année où il a réalisé l’œuvre. La diminution de l’œuvre au fil du temps peut être comparée à la détérioration physique qui se produit avant la maladie et la mort. En prenant des morceaux de l’œuvre les spectateurs devenaient complices de ce processus. Gonzalez-Torres est également décédé cinq ans plus tard, des suites de complications liées au sida. 

Les années 90, les débuts de la mondialisation…

L’art des années 90 ne peut se résumer à un groupe d’artistes ou de mouvements. La diversité de l’art au cours de cette période reflète plutôt un monde en pleine mutation, marqué par la mondialisation. Ces cinq artistes ne sont qu’une introduction de la pluralité des talents qui ont défini la scène artistique des années 90. Et vous, lequel est votre préféré ?