
L'importance de l'autoportrait de Frida Kahlo avec le collier d'épines et le colibri

Frida Kahlo a peint de nombreux autoportraits tout au long de sa carrière. Après son divorce avec le peintre mexicain Diego Rivera, elle peint l’autoportrait Autorretrato con Collar de Espinas. Cette œuvre est célèbre pour sa une composition, qui la met en scène avec un chat noir, un colibri et un singe. L’œuvre Autoportrait au collier d’épines et au colibri est aujourd’hui considérée comme une représentation étonnamment réaliste de la lutte émotionnelle intérieure de Frida Kahlo. Découvrez avec Artsper la signification de chacun des éléments réunis dans cet autoportrait introspectif hautement symbolique et allégorique !
Un tableau peint à un moment crucial dans la vie de Frida Kahlo
Autorretrato con Collar de Espinas est un autoportrait peint à l’huile sur toile en 1940. Malgré plusieurs malheurs, dont un accident d’autobus à l’âge de 18 ans, c’est la décennie au cours de laquelle cet autoportrait emblématique a été peint qui s’est avérée la plus tragique de sa vie. Au cours de cette période, Kahlo a connu trois fausses couches, plusieurs dizaines d’opérations (dont l’une comprenait l’ablation de ses orteils), le décès de sa mère et de nombreuses rumeurs de liaisons au sein de son mariage avec Diego Rivera. La vie de l’artiste mexicaine est placée sous le signe de la tragédie, et cela se ressent dans sa vision créative.
Entre douleur et peinture intrsopective
Ainsi, cet autoportrait intime témoigne d’une période douloureuse de la vie de Kahlo. Il reflète une profonde tristesse, qui va au-delà des douleurs chroniques provoquées par son accident. La toile symbolise également une angoisse émotionnelle. Car l’art était le seul échappatoire que Kahlo a trouvé pour faire face à sa peine. Tout au long de sa carrière, la douleur et la peinture vont de pair, souvent sublimées l’une dans l’autre. Frida Kahlo commence à peindre pendant sa convalescence. Et c’est justement la peinture qui lui a permet de se libérer de son angoisse et de s’exprimer librement.

L’artiste aurait dit ceci : « Mes peintures portent en elles le message de la douleur ».
Aucune autre citation ou événement de la vie de Frida Kahlo ne décrit de manière plus personnelle que celle-ci le Collier d’épines et le Colibri. Elle réalise ce tableau après son premier divorce avec Rivera et la fin de sa liaison avec le photographe Nickolas Muray. C’est d’ailleurs la même année qu’elle se remarie avec Rivera. Auparavant, et le détail fait sourire, son amant Muray achète ce tableau afin d’aider la situation financière de Kahlo.
L’autoportrait, le genre de prédilection de Frida Kahlo
Les autoportraits de Kahlo sont au nombre de 55 sur un total de 143 peintures. Les spécialistes les ont interprétés comme une tentative de retrouver sa liberté, en représentant son corps à travers son propre regard. Kahlo expliquait elle-même : « Je me peins moi-même parce que je suis si souvent seule, parce que je suis le sujet que je connais le mieux ». À une époque où le monde de l’art, majoritairement masculin, représentait encore la forme féminine comme un objet de désir pour l’homme, Kahlo a redéfini son propre sujet. Ce faisant, elle va à l’encontre des idéaux de l’époque sur la conformité des sexes et confronte les normes archétypales de beauté. En utilisant sa propre image, Kahlo va à l’encontre d’une tradition patriarcale dans l’art, faisant d’elle une artiste profondément féministe.
Une œuvre qui reflète son engagement politique
L’intérêt de Frida Kahlo pour la politique est un autre moyen précieux de s’évader. Devenue un symbole féministe moderne, Frida Kahlo a également joué un rôle de premier plan dans un autre mouvement politique, celui de la révolution mexicaine.
Dans ses peintures de style dit naïf ou folklorique, les représentations de symboles mexicains priment. L’art de Kahlo reflète ses idées nationalistes et patriotiques en tant que fervente partisane de la révolution à partir de 1910. En 1948, Frida Kahlo rejoint le parti communiste mexicain. En 1951, elle soutient le mouvement pour la paix au Mexique. Elle exprime son héritage culturel à travers sa représentation du moi dans ses peintures. Dans ses œuvres ultérieures, elle s’inspire du concept de « Mexicanidad » de son mari Rivera. Certains disent que Kahlo a repris l’identité d’une femme Tehuana d’origine mexicaine dans une identification passionnée avec les racines indigènes préhispaniques du Mexique.
Frida la féministe
Frida Kahlo, dont le visage orne aujourd’hui le mouvement féministe moderne dans la culture populaire, a joué un rôle important dans l’émergence d’un soi-disant culte de la féminité mexicaine au 20ème siècle. Ses portraits reflètent un mouvement féminin croissant au Mexique à l’époque, qui valorisait « l’altruisme, le martyre, le sacrifice de soi, l’effacement de soi et la négation de son existence extérieure », selon Jolie Olcott.

Dans son autoportrait, elle reconsidère activement les normes de beauté. Celle qui était pourtant reconnue pour sa beauté, exagère volontairement ses particularités physiques. Par exemple, son visage bronzé, ses dents non alignées, son mono sourcil et sa moustache. En accentuant délibérément ses traits, Kahlo questionne sa double relation avec la féminité et l’androgynie. Elle disait : « De mon visage, j’aime les sourcils et les yeux. À part ça, je n’aime rien… J’ai la moustache et en général le visage du sexe opposé ».
Le symbolisme de l’autoportrait de Frida Kahlo avec son collier d’épines et son colibri
Les détails autobiographiques de la vie de Kahlo se lisent directement dans l’iconographie utilisée. En effet, son style de peinture naïf ou folklorique est fortement empris de symbolisme. Son art est souvent composé d’un mélange de symboles, qu’il faut lire entre les lignes en quelque sorte. En appuyant le contexte culturel de son œuvre, elle raconte l’histoire d’une jeune femme mexicaine. C’est d’ailleurs cette honnêteté, brutale mais poétique, qui est à l’origine de la reconnaissance internationale de son travail. L’artiste a d’abord obtenu une reconnaissance internationale avant de connaître un réel succès au Mexique. Elle réalise sa première exposition personnelle aux États-Unis (dans la galerie Julien Levy à New York en 1938), avant de le faire, quelques années plus tard, au Mexique. Cela peut sembler ironique, pour une œuvre si étroitement liée à son pays natal.
L’iconographie mexicaine
Kahalo aime fusionner le riche passé ethnique du Mexique avec le regard qu’elle porte sur les États-Unis et la société occidentale moderne. Cette contradiction est visible dans la combinaison de l’iconographie chrétienne et aztèque dans ses œuvres. Qu’il s’agisse de ses sourcils marqués, de sa coiffure serrée ou de ses vêtements traditionnels éclatants, l’apparence de Kahlo évoque tout d’une jeune femme définitivement mexicaine, fière de son héritage. En utilisant l’iconographie puissante de la culture indigène mexicaine, Kahlo se situe dans une tradition de rébellion contre les forces coloniales et la domination masculine.
Combler un manque grâce aux animaux
Le colibri mort qui pend à son cou est considéré comme un porte-bonheur pour tomber amoureux dans le folklore mexicain. Certains interprètent le pendentif colibri comme un symbole de Huitzilopochtli, le dieu aztèque de la guerre. Quant à la panthère noire, elle symbolise la malchance et la mort. Le singe lui, est un symbole du mal. Le paysage naturel, qui symbolise normalement la fertilité, contraste avec l’imagerie mortifère du premier plan. Le tableau évoque de manière sans filtre la douleur infligée par sa relation amoureuse et ses luttes contre l’infertilité. Dans la vie réelle, Kahlo a reçu un singe-araignée en cadeau de son mari. Le singe dans la toile pourrait être une référence à son mari qui, de manière allégorique, inflige de la douleur à Kahlo en tirant sur le collier d’épines qui lui brise la peau.

Dans la croyance catholique, le collier d’épines pourrait faire allusion à la couronne d’épines du Christ. Elle permettrait de la comparer à un martyr chrétien. Dans le même ordre d’idées, les papillons et les libellules pourraient symboliser sa résurrection. Les historiens de l’art notent que l’allusion de Kahlo au martyre pourrait être le signe d’un blasphème intentionnel.
Les animaux jouent un rôle important dans ce tableau et dans l’ensemble de l’œuvre de Kahlo. L’artiste elle-même se sentait étroitement liée au règne animal. D’ailleurs, elle traitait un certain nombre de ses animaux domestiques comme des enfants de substitution. Cet amour est souligné par leur présence dans plusieurs de ses tableaux.

Un tableau petit mais puissant
La composition de ce tableau est magnifiquement équilibrée, avec comme point central le visage de Kahlo. Pourtant, ses yeux ne s’adressent pas directement au spectateur. Ils sont légèrement baissés et semblent tristes, ce qui oblige le spectateur à s’intéresser à la nature introspective de cette peinture. Il est difficile de lâcher des yeux ce regard immobile, semi-direct, sans émotion et puissant. Cette peinture est plutôt petite (environ 24 cm × 18 cm) mais elle montre Kahlo dans une position frontale. L’artiste semble confronter directement le spectateur, et par conséquent la société du patriarcat. Bien que beaucoup la considèrent comme une surréaliste, Kahlo a toujours revendiqué l’appellation réaliste. En 1939, elle effectue un voyage à Paris et rencontre les peintres du mouvement surréaliste. Elle déclare alors qu’elle ne peint que sa « réalité » et les sujets qu’elle connait le mieux, c’est-à-dire elle-même et sa triste réalité – et certainement pas l’étoffe de ses rêves.
Depuis 1966, le chef-d’œuvre de Kahlo a fait le tour du monde. Son héritage n’a rien perdu de sa vivacité. Elle reste célèbre pour sa contribution au mouvement féministe en tant qu’artiste mexicaine, et celle qui a apporté la notoriété à l’art du « Neomexicanismo ». Mais pour Kahlo, peindre n’était pas seulement une question d’influence ou d’héritage. C’était un moyen de faire face. C’est en raison de cette intensité et sincérité émotionnelle que ses peintures attirent toujours les gens aujourd’hui. Et c’est là que réside le véritable héritage de Frida Kahlo.

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