
Laurent Kronental, photographe d'une banlieue hors du temps...
Dans les années 70, le gouvernement français construit des milliers d’immeubles en banlieue parisienne. Destinés à accueillir des familles à la recherche d’un logement moderne et proche de la métropole, ces habitations respectent la mode architecturale de l’époque. Aujourd’hui, ces immeubles accomplissent une toute autre promesse et paraissent surréalistes. Le talentueux photographe Laurent Kronental nous montre que ces lieux ne sont pas les simples souvenirs d’une époque révolue. Ces paysages urbains, issus du passé, ont un drôle d’air futuriste et poétique…
« Souvenir d’un Futur » © Laurent Kronental
Qui es-tu ?
Je m’appelle Laurent Kronental, j’ai 30 ans, je suis photographe vivant à Courbevoie. J’ai réalisé de 2011 à 2015 une première série artistique intitulée « Souvenir d’un Futur » et primée à l’international. Ce projet dépeint la vie des seniors dans les grands ensembles de la région parisienne construits durant les Trente Glorieuses. Je présente actuellement ma deuxième série,« Les Yeux des Tours », qui prolonge mon étude de ces quartiers en les explorant cette fois de l’intérieur.
© Todd Hido
Quelles sont tes références et tes inspirations ?
Pour citer quelques références et inspirations : Alec Soth, Nadav Kander, Todd Hido, Hiroshi Sugimoto, Pieter Hugo, Richard Misrach en photographie, Ridley Scott, Terry Gilliam, Jacques Tati, Fritz Lang, David Lynch, Wong Kar Wai, Wes Anderson, Michel Gondry, Jean-Pierre Jeunet au cinéma, Hayao Miyazaki, Sylvain Chomet, « Ghost in the Shell » de Mamoru Oshii pour l’animation, Edward Hopper en peinture, Enki Bilal, Moebius, Albert Robida, François Schuiten en dessin…
Comment décrirais-tu ton style en 3 mots ?
Poétique, humaniste, contemplatif.
Quel message souhaites-tu faire passer dans tes photos ?
A travers ma photographie, je souhaite nous interroger sur la manière dont le temps impacte l’homme, ses architectures et ses rêves. Je m’intéresse tout particulièrement au passage des générations, au vieillissement, à la marginalisation des êtres et de leur lieux de vie. J’attire notre attention sur les paradoxes de la ville et la façon dont son développement parfois non maitrisé, parfois insoutenable, entraine une résilience insoupçonnée pour construire une vie possible.
© Laurent Kronental
Quelle bande son et et quel réalisateur correspondraient à ta série « Souvenir d’un Futur » ?
« Blade Runner Blues » de Vangelis. Dans les années 80, très probablement Ridley Scott.
« Les Yeux des Tours » © Laurent Kronental
Qu’est ce qui t’a marqué dans ta nouvelle série « Les Yeux des Tours » ?
Les Tours Aillaud sont pour moi l’un des quartiers de logements sociaux les plus spectaculaires et emblématiques construits dans les années 70-80 en France. Fasciné tant par le geste architectural que par l’idéal utopiste qui le sous-tend, je souhaite inviter le spectateur à découvrir l’intimité de l’habitat en retrouvant la trace de l’individu au sein de ce grand ensemble. Depuis les hublots, j’ai été marqué par le gigantisme et la démesure des Tours Nuages, leur esthétique hors norme, leur poésie et leur allure de vaisseaux, leurs contrastes et leur anachronisme, leur force et leur ambiance. Le hublot est non seulement une fenêtre originale mais il apparaît aussi comme un œil biface qui observe le monde. Subtile frontière entre l’environnement et le foyer, cet œil nous parle de la société, de l’Homme et de ses aspirations. C’est le sabord d’une cuisine flottante. C’est le présage d’une croisière, d’un nouveau départ vers le bonheur. Pourtant l’exaltation s’est estompée face aux réalités : le vaisseau-tour resté à quai a vieilli et l’espoir de changement s’est coloré peu à peu de modestie routinière. La promesse d’un ailleurs est toujours présente mais elle se teinte de mélancolie.
Quel est ton architecte préféré ?
Il est difficile de citer un seul architecte. Parmi les architectes contemporains, je dirais : Zaha Hadid, Rem Koolhaas, Renzo Piano, Frank Gehry, Jean Nouvel, Herzog & De Meuron.
Comment imagines-tu la ville du futur ?
Les excès des mégalopoles actuelles entraineront dans les années à venir une surpopulation, un accroissement de la pollution, une densification urbaine et un écart de plus en plus important entre les catégories sociales. Face à ces bouleversements, nous devons notamment repenser le développement des villes en termes de transports, d’économie d’énergie, de multiplication d’espaces verts, de bien être individuel et collectif, de recyclages, de modernisation et d’entretien des structures, de communication et d’échanges, de lutte contre les inégalités, d’amélioration des systèmes de santé et d’éducation.
« Les Yeux des Tours » © Laurent Kronental
Une anecdote sur une de tes photos ?
Depuis le haut de la tour 17 de la Cité Pablo Picasso, j’ai eu la chance de saisir un moment exceptionnel et rare : une mer de nuages sur Paris et sa banlieue. Ce matin là, aux aurores, je surplombe les nuages. Au loin apparait La Défense qui émerge dans une atmosphère énigmatique et féérique. Depuis « Souvenir d’un Futur », j’étais à la recherche de ce phénomène. Je l’ai scruté au fil des mois, regardant régulièrement les prévisions météorologiques. Tout d’un coup, je suis transporté par ce paysage spectaculaire espéré. Dans ce monde rétro futuriste, je perdais mes repères. Le temps était suspendu dans un calme envoutant…
« Souvenir d’un Futur » © Laurent Kronental
« Souvenir d’un Futur » © Laurent Kronental
« Les Yeux des Tours » © Laurent Kronental
« Les Yeux des Tours » © Laurent Kronental
« Souvenir d’un Futur » © Laurent Kronental
« Souvenir d’un Futur » © Laurent Kronental

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