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La minute arty 13 Juin 2022

Comprendre les récits derrière les peintures de Goya

Comprendre les récits derrière les peintures de Goya

Le travail de Francisco de Goya est reconnu pour sa capacité à allier émotions et historicité. Né en Espagne au 18ème siècle, Goya est considéré comme un précurseur du réalisme pictural. Souvent engagé par les souverains de son époque, il est à l’origine de portraits vibrants, reflétant les changements parfois difficiles vécus par le peuple espagnol. Cependant, en fin de carrière, Goya produit des peintures remarquables par leur représentation de l’horreur et de la folie. Avec Artsper, découvrez les sources d’inspirations des plus intrigantes peintures de Goya !

L’Espagne de Goya, sa première inspiration

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Francisco de Goya, Carlos IV d’Espagne et sa famille, 1800

Goya est avant tout un peintre de l’humain. D’ailleurs, il n’a réalisé aucune toile de paysage sans personnages. Sa carrière s’étend pendant une période mouvementée en Espagne. En effet, la péninsule évolue considérablement au rythme des nombreuses guerres et révoltes. Les conséquences de la Révolution Française se font ressentir, les soulèvements politiques se sont fréquents, et de nombreux gouvernements instables se succèdent. De plus, l’Espagne connaît la naissance de nouveaux courants de pensées, comme ceux du Siècle des Lumières. Parallèlement, le catholicisme reste un sujet important dans le pays, et les croyances surnaturelles refont également surface.

C’est dans ce contexte hétéroclite que Goya peint un nombre impressionnant de portraits et de scènes historiques. Ses toiles sont à présent cruciales pour analyser les variations socio-politiques espagnoles. Les modèles de Goya représentent ainsi de véritables individus, remplis de vitalité et d’idéaux.

Le peintre de l’Espagne révolutionnaire

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Francisco de Goya, El Tres de Mayo, 1814

Les peintures de Goya sont connues pour leur côté révolutionnaire. L’œuvre Trois Mai 1808 est le parfait exemple d’une peinture historique réalisée par Goya. La scène rend hommage à la résistance espagnole lors de l’invasion de Napoléon entre 1808 et 1809. La figure en blanc qui est instantanément remarquable symbolise le martyr. Goya laisse donc paraître ses sympathies et son soutien pour la résistance politique.

L’art de Goya est également associé à la superstition et la sorcellerie. Son œuvre la plus connue dans ce registre est sûrement Le Sabbat des Sorcières. Au centre de la scène domine un bouc, censé représenter le diable. Autour de lui sont des femmes de tout âge, lui présentant des enfants. Lorsque l’on prête attention à gauche de l’arrière-plan, on comprend que la scène ne présage rien de joyeux.

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Francisco de Goya, Le Sabbat des Sorcières, 1797-1798

En Espagne, des femmes furent exécutées pour sorcellerie jusqu’au 18ème siècle. Avec la montée du catholicisme, l’Inquisition s’octroie la responsabilité de mener la chasse à toute croyance non traditionnelle. Goya, en tant qu’homme des Lumières et peintre réaliste, critique souvent l’autorité de l’Inquisition dans ses œuvres. Celle-ci était d’ailleurs régulièrement choquée par le travail de l’artiste. Les œuvres liées à sorcellerie de Goya pourraient donc d’un côté condamner l’Inquisition qui, en continuant de chasser des présumées sorcières, contribuaient à la persistance de ces croyances. D’autre part, Goya souhaitait sûrement montrer lui-même l’horreur de ces pratiques qui n’étaient plus en phase avec la révolution intellectuelle de son époque.

Le peintre de l’Espagne en déclin

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Francisco de Goya, Deux vieillards mangeant de la soupe, 1823

Dans son ensemble, la carrière de Goya est relativement conventionnelle. Mais à l’approche de la fin de sa vie, son œuvre prend un tournant très sombre. En 1819, l’artiste alors âgé de 70 ans, se retire dans sa villa. Là-bas, il noircit les murs d’œuvres terrifiantes. On y lit le désespoir d’un homme en fin de vie et affaibli : il est sourd depuis ses 50 ans. Ces œuvres, nommées « pinturas negras » (peintures noires) traduisent également les tourments quant à la situation en Espagne. En effet, Goya voit se succéder les guerres napoléoniennes et les changements de gouvernements espagnols. Gagné par le pessimisme, il inscrit sur ses murs cette phrase culte : « El sueño de la razón produce monstruos » (le sommeil de la raison engendre des monstres).

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Francisco de Goya, Saturne dévorant son fils, 1819-23

Son chef-d’œuvre Saturne dévorant son fils est un exemple de l’une de ses 14 « peintures noires » réalisées entre 1819 et 1823. Ce portrait sanglant est aussi resté comme l’une des œuvres les plus effrayantes de l’histoire de l’art. Tout droit tiré d’un cauchemar, ce tableau est une représentation de la folie cannibale, reflétant sans doute le propre mal-être de l’artiste. Une autre œuvre de cette série, Deux Vieillards Mangeant de la Soupe, représente deux hommes monstrueux. Il est dit de cette série qu’elle contribua au commencement du romantisme. En effet, bien que ces peintures soient catégorisées comme historiques puisque beaucoup s’inspirent de mythes anciens, leur contexte en font des œuvres romantiques ; elles représentent le ressentiment personnel d’un artiste torturé.

Quel héritage nous laisse la peinture de Goya ?

Goya a déclaré lui-même « Mon travail est très simple. Mon art révèle idéalisme et vérité ». Considéré comme l’un des derniers grands maîtres de la peinture, Goya est un peintre historique, et un romantique avant son temps. Durant sa carrière, il travailla pour trois rois, sans jamais masquer ses préférences politiques. Il a été véritablement le peintre de l’Espagne en guerre, d’un peuple défendant son indépendance, et d’une nation en plein changement idéologique.

Enfin, Goya est passé à la postérité pour son talent à représenter l’horreur et la folie. En laissant son propre mal-être s’immiscer dans ses œuvres de fin de vie, il introduisit la figure du peinture romantique tourmenté. Il n’eut pas peur de faire de ses peintures des scènes réalistes et troublantes. En somme, ses œuvres sont des analyses humaines et sociétales, souvent avec une subtile touche satirique ou angoissante.