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L'Art au pays des Soviets
La minute arty 05 Avr 2019

L'Art au pays des Soviets

Alexandr Samokhvalov
Alexandr Samokhvalov Le défilé de la culture physique (1935)

A l’occasion de l’exposition “Rouge : art et utopie au pays des Soviets” au Grand Palais, Artsper vous emmène dans un voyage dans le temps en plein coeur de l’histoire, à la découverte de l’art soviétique.

Si le régime soviétique a marqué de façon très forte l’histoire, il a également impacté le monde de l’art et il en résulte un mouvement artistique bien particulier, reflet d’une idéologie puissante. Il s’agissait de proposer une alternative utopique à tout ce que le monde avait connu jusqu’alors. Ce mouvement s’est étendu sur toute la période d’existence du régime soviétique, de son avènement à sa chute, ce qui en fait un miroir très représentatif de ce pan du passé. On peut ainsi faire coïncider ses différentes évolutions avec la prise de pouvoir des chefs de file principaux du bloc soviétique : Lénine, Staline, Khrouchtchev et Gorbatchev, qui sont chacun symboliques d’une période particulière de l’URSS.

L’art au service de l’utopie révolutionnaire sous Lénine (1917-1924)

Aleksandr Rodchenko
Aleksandr Rodchenko Spatial Construction no. 12 (1920)

Si l’avant-garde russe a connu son avènement sous l’empire Russe, il a continué à se développer, différemment, après la révolution d’Octobre. Au cours de la révolution bolchévique, un mouvement débute pour mettre les arts au service du prolétariat. Ce mouvement cherche à fusionner l’art au nouveau mode de vie que la révolution insuffle, en réaction contre « l’ordre ancien ». Les artistes, notamment Rodchenko ou Klutsis, se tournent vers de nouvelles formes d’art : les arts graphiques, le design, l’architecture… Si lors des premières années de l’Union soviétique, les artistes sont relativement libres, beaucoup fuient l’Union Soviétique en raison de leur opposition au gouvernement bolchévique. Lénine préfère d’ailleurs l’art traditionnel aux arts nouveaux comme le futurisme ou l’expressionnisme, mais tient aussi à montrer son soutien à la scène artistique, qu’il considère comme un instrument du parti, devant être accessible aux masses.

Le réalisme socialiste, instrument politique sous Staline (1924-1953)

Youri Pimenov,
Youri Pimenov, Le nouveau Moscou (1937)

L’Art Officiel : l’Orgburo, organe du Comité central du Parti communiste de l’Union soviétique, a très vite créé une restriction des organisations littéraires et artistiques pour créer une seule union des écrivains et des artistes adhérant aux idées du régime et les véhiculant. C’est la naissance du réalisme socialiste, unique forme d’art officielle de l’Union Soviétique. Il a pour but d’illustrer de manière la plus figurative possible et dans des poses héroïques la “réalité sociale” des classes populaires, des travailleurs et des combattants de guerre. De talentueux artistes comme Deïneka, Pimenov ou Samokhvalov ont continué leurs recherches picturales tout en prenant en compte ces thématiques, qu’ils aient adhéré au réalisme socialiste par conviction ou par crainte…

L’Art Dissident : le communisme de Staline n’avait pas d’ennemis, ou plutôt, n’en tolérait pas : ceux qui l’étaient se retrouvaient supprimés. Cette mesure drastique s’appliquait bien entendu et surtout aux artistes. Toutes les formes d’art autre que le réalisme socialiste furent sévèrement réprimées. Les créateurs dissidents subissaient tous la censure, quand ce n’était pas l’emprisonnement dans les terribles goulags. Des étudiants en arts, comme Ülo Sooster, qui devint plus tard un membre important du mouvement non conformiste de Moscou, ont été faits prisonniers dans des camps en Sibérie.

L’art non-conformiste sous Khrouchtchev et Brejnev (1953-1985)

Ernst Neizvestny,
Ernst Neizvestny, Prometheus (1972)

A la mort de Staline, sous Khrouchtchev, l’URSS connait une période de « Déstalinisation ». Dans cette atmosphère, les artistes se sentent un peu plus libres et craignent moins les répercutions liées à leurs créations. Bien qu’aucun changement politique ne soit officiellement décidé, les artistes recommencent à donner libre cours à leurs expérimentations. Pourtant, la politique artistique est loin d’être aussi libérale qu’espérée. Khrouchtchev se sert de l’art pour sa « vitrine » de Berlin Est mais critique de façon virulente certains artistes avant-gardistes. Ainsi, lors de l’exposition au Manège de Moscou en 1962, il qualifie les oeuvres abstraites d’Ernst Neizvestny, et d’autres créations non-conformistes « d’art dégénéré ». Mais les artistes ont moins peur de braver les codes imposés par l’URSS. La seconde vague de l’avant garde russe se constitue peu à peu.

De la liberté artistique sous Gorbatchev à la fin du mouvement (1985 -1991)

Dmitri Vrubel Baiser de la fraternité
Dmitri Vrubel, Baiser de la fraternité (1990)

En 1985, les politiques de « Perestroika » et « Glasnost » de Gorbatchev empêchent les autorités d’imposer des restrictions aux artistes. Avec l’effondrement de l’Union Soviétique en 1991, les artistes n’ont plus besoin d’être dépendants de l’Etat Communiste pour créer. Ils peuvent réaliser des oeuvres de façon totalement libre sans craindre la répression. C’est le cas par exemple du street artiste russe Dmitri Vrubel, qui réalise sur un morceau du mur de Berlin en 1990 sa célèbre oeuvre Mon Dieu, aide-moi à survivre à cet amour mortel également connue sous le nom de Baiser de la fraternité. Cette oeuvre, volontairement provocante, s’inspire du baiser entre le dirigeant soviétique Brejnev et son acolyte dirigeant de la RDA, Honecker, 10 ans plus tôt. Avec cette oeuvre, l’artiste montre que l’Union Soviétique n’impressionne plus. L’art est libre. Mais avec la disparition de l’URSS, le phénomène de l’art non-conformiste cesse d’exister peu à peu, puisque son essence se trouvait dans la lutte envers ce régime tombé en disgrâce.