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La minute arty 23 Mai 2022

Comment Manet a changé l'histoire de l'art

Comment Manet a changé l'histoire de l'art

Édouard Manet est connu comme le père fondateur de l’art moderne. Sa vie, courte mais riche en rebondissements, a défini un nouveau cadre, marqué par le rejet du statu quo. Il a ouvert une nouvelle ère, qui a servi de base pour toutes les expérimentations à venir des impressionnistes et des postimpressionnistes. Explorez la carrière de Manet et la façon dont il a changé l’histoire de l’art avec Artsper !

Une touche de modernisme

Avant de plonger dans la carrière fructueuse de Manet, comprenons ce qu’est l’art moderne. Le modernisme est un mouvement global de la culture et de la société qui a eu lieu à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème siècle. C’est à cette époque que les artistes se sont éloignés des styles picturaux académiques pour dépeindre le monde qui les entoure en utilisant de nouveaux matériaux et des approches artistiques différentes.

Bien qu’il existe plusieurs styles d’art rassemblés sous le modernisme, certains principes récurrents les relient. Il s’agit notamment d’un rejet des valeurs conservatrices, généralement inspiré par divers mouvements sociaux et politiques. Les expérimentations autour de l’artisanat et de la technique sont également une valeur centrale de ce courant de pensée.

Un parcours artistique formateur

Édouard Manet, Sur la plage, 1873 © Musée d’Orsay
Édouard Manet, Sur la plage, 1873 © Musée d’Orsay

Le peintre français Édouard Manet naît à Paris le 23 janvier 1832, dans une famille de la haute bourgeoisie. Il est le frère du peintre Eugène Manet. Ses parents sont Eugénie-Désirée Fournier, fille d’une famille diplomatique française liée à la royauté suédoise, et Auguste Manet, chef du personnel du ministère de la Justice. Tous deux souhaitaient que Manet se consacre au droit, mais son talent l’a conduit sur une autre voie…

En effet, la passion de Manet pour la peinture est indéniable dès son plus jeune âge. Pourtant ses parents désapprouvent ce choix de carrière. Ainsi, il s’inscrit à l’École navale française. Après avoir échoué à l’examen d’entrée, il embarque sur un navire de la marine en tant qu’apprenti en 1848. Après des échecs répétés, ses parents finissent par céder à ses désirs, permettant à Manet de poursuivre son amour pour la peinture.

Le début de quelque chose de nouveau

Thomas Couture, Les Romains de la Décadence, 1847 © Musée d’Orsay
Thomas Couture, Les Romains de la Décadence, 1847 © Musée d’Orsay

Grâce aux encouragements de son oncle, Edmond Fournier, Manet fait plusieurs visites au Louvre. À l’âge de dix-huit ans, il commence ses études artistiques dans l’atelier de Thomas Couture, en 1850. À l’époque, Couture est l’un des peintres les plus importants et reconnus de la communauté artistique française. Il était également connu pour être un excellent professeur. Il avait auparavant été l’élève d’Antoine-Jean Gros, qui avait lui-même pour mentor Jacques-Louis David ! L’enseignement artistique de Manet s’inscrit ni plus ni moins que dans la suite du fondateur de l’école française moderne.

Antonin Proust, journaliste et homme politique français, est l’ami et le premier biographe de Manet. Il écrit plusieurs récits documentant les désaccords entre Manet et Couture. Pourtant, Manet poursuit son apprentissage aux côtés de Couture pendant six ans. Après avoir mis fin à ses études, il voyage largement à travers l’Europe. En quête d’éducation et d’inspiration, il visite des musées afin de préparer le début de sa carrière personnelle.

Manet face à la critique et au rejet

Édouard Manet, Le Chanteur espagnol, 1960 © Metropolitan Museum of Art
Édouard Manet, Le Chanteur espagnol, 1960 © Metropolitan Museum of Art

En 1859, il soumet Le Buveur d’absinthe à l’exposition officielle de l’Académie des Beaux-Arts de Paris, le Salon. Mais le jury rejette cet exemple des premières tentatives de réalisme de Manet. Malgré cet échec, Manet dépose une nouvelle candidature et, deux ans plus tard, son tableau, Le Chanteur espagnol (1860), est accepté au salon de 1861. Son tableau reçoit de nombreux éloges de la part du célèbre écrivain français et critique d’art et de littérature Théophile Gautier. Cependant, il faudra attendre les années 1862-1865 pour que Manet brise le plafond de verre de la scène artistique parisienne…

Ainsi, Manet commence à s’éloigner de ses prédécesseurs, expérimentant un style de peinture différent. Il met l’accent sur des coups de pinceau plus larges et plus visibles tout en utilisant une application plus lourde de la peinture. Il représente des gens de tous les jours faisant des activités quotidiennes. Ses tableaux sont remplis d’êtres humains réels, allant des musiciens aux sans-abri en passant par les travailleurs du sexe. Ses œuvres sont alors accueillies par la perplexité et le scandale. Au cours de cette période, Manet peint ses œuvres les plus célèbres ; Le Déjeuner sur l’herbe (1862-1863), Olympia (réalisé en 1963 mais exposé au Salon de 1865) et Le Christ bafoué (1865). Cette période fructueuse a rapidement jeté les bases qui ont fait de Manet le père fondateur d’une nouvelle génération d’artistes.

Au centre de nombreux scandales

Édouard Manet, Le Déjeuner sur l'herbe, 1863 © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay)
Édouard Manet, Le Déjeuner sur l’herbe, 1863 © RMN-Grand Palais (Musée d’Orsay)

Le Déjeuner sur l’herbe a été au centre de nombreuses critiques au sein de la communauté académique, Manet ayant opté pour une qualité picturale plane, privilégiant son style personnel au réalisme. Cependant, ce n’est pas son style qui explique les difficultés rencontrées par Manet au Salon. Au centre de ce déjeuner sur l’herbe, se trouve une figure féminine entièrement nue, sans honte et confiante, dont le regard affronte chaque spectateur directement dans les yeux.

Pendant des siècles, les historiens de l’art ont soutenu que la muse de Manet était une prostituée, mais en fait, c’était une artiste elle-même, Victorine Meurent. Quelle que soit sa véritable profession, l’étalage audacieux et sans complexe de la nudité féminine frappe le monde artistique parisien. Pour la première fois, une femme réelle est présentée nue, en lieu et place d’une figure allégorique ou mystique, ce qui constituait un mépris total des traditions précédemment acceptées au Salon.

Une révolution dans l’histoire de l’art

Édouard Manet, Olympia, 1863 © Musée d’Orsay
Édouard Manet, Olympia, 1863 © Musée d’Orsay

Deux ans plus tard, Manet provoque un scandale encore plus grand au sein de la communauté académique de l’art avec l’exposition de son Olympia. Bien que Manet rejette les normes académiques, ses influences restent traditionnelles. S’inspirant de la Vénus d’Urbino du Titien, Manet supprime tout élément d’héroïsme et de passivité, obligeant les spectateurs à s’engager dans un moment d’inconfort intense. La muse de Manet, Victorine Meurent, apparaît au centre de la toile, jouant le rôle d’une prostituée. Là encore, Manet crée une scène mêlant confiance et séduction féminine, favorisant un moment de confrontation entre une femme puissante et un spectateur non préparé.

Par rapport à la Vénus du Titien, qui permettait aux spectateurs de poser sans effort et amicalement leur regard sur la beauté féminine, Manet renverse le scénario. Pour une fois, la femme nue contrôle l’interaction, tout en fixant unanimement le spectateur. Cet échange souligne la réalité d’une industrie active mais souvent cachée à Paris, le travail du sexe. Interrogé sur le message « abrasif » qui se cache derrière ses sujets, Manet a répondu : « Je peins ce que je vois et non ce que les autres aiment voir ». Dépourvue d’idéalisation, Olympia met en lumière un message et un contexte non conventionnels. Au niveau du style pictural, le tableau comprend également ce que beaucoup considèrent comme une source de lumière peu flatteuse.

Tiziano Vecellio « Titien », La Vénus d'Urbino, 1534 © Musée des Offices
Tiziano Vecellio « Titien », La Vénus d’Urbino, 1534 © Musée des Offices

Un héritage marquant et toujours vivace

Claude Monet, Le Déjeuner sur l'herbe, 1865-1866, © Musée d’Orsay
Claude Monet, Le Déjeuner sur l’herbe, 1865-1866, © Musée d’Orsay

Manet meurt en 1883 à l’âge de 51 ans. Malgré une carrière artistique courte, son impact a été considérable. Sa capacité à renoncer aux normes et aux traditions défendues par l’Académie depuis des siècles a jeté les bases de la rébellion artistique, inspirant des décennies et des générations d’artistes à venir. L’œuvre de Manet est considérée comme un tournant, consolidant son nom dans l’histoire de l’art et le couronnant comme le père du modernisme.

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