
Gerard Petrus Fieret au BAL
L’œuvre de Gerard Petrus Fieret (1924-2009) est l’une des plus étranges et subversives qui aient été produites dans les années 1960 en Europe. LE BAL consacre à ce poète, peintre et photographe néerlandais, la première exposition monographique présentée hors de son pays natal, du 26 mai au 28 août 2016.
Gerard P. Fieret, 1965-1975. Gemeentemusem Den Haag, Courtesy Estate of Gerard Petrus Fieret
{UNE PRATIQUE OBSESSIONNELLE DE LA PRISE DE VUE}
De 1965 – date à laquelle il se procure son premier appareil, un Praktiflex – à la fin des années 1970, ce photographe autodidacte va se livrer à une pratique obsessionnelle et insatiable de la prise de vue. Il photographie tout : des femmes, des jambes, des enfants, des vitrines, des scènes de rue, lui-même, et d’autres femmes, des modèles, des étudiantes, des mères de famille, des danseuses, des anonymes, et puis des fragments de corps, des seins, des fesses, des jambes, des nuques… Ses photographies, tels des miroirs sans tain, lui permettent d’atteindre un paradoxe : en se cachant derrière le viseur, il se révèle et affirme sa présence au monde.
Gerard P. Fieret, 1965-1975. Gemeentemusem Den Haag, Courtesy Estate of Gerard Petrus Fieret
{UN LIEN DE COMPLICITÉ ENTRE PHOTOGRAPHE ET SUJET}
La démarche de Fieret est typique du street photographer, vorace et insatiable, saisi d’une sorte de furie créative. À la différence des champions du genre, il n’est pas omnivore. Il ne capture pas avidement tout ce qui passe à sa portée et stimule ses pulsions primordiales. Pas de geste cruel et prédateur. Pas de chasse. Fieret ne s’attribue aucune supériorité par rapport à ce qu’il réussit à enfermer dans l’image. Sa photographie n’est pas une déclaration d’autorité. Contrairement à Garry Winogrand, ses femmes ne semblent jamais dominées par la présence du photographe et nouent plutôt avec lui un lien de complicité. Fieret ne photographie pas par instinct mais par amour. Il utilise son appareil pour devenir intime avec les femmes qu’il cadre. Sans perversion, avec un profond respect. S’abandonnant à leur regard et à leur corps avec déférence et docilité.
Si chaque portrait, à l’instar de la relation de couple, est aussi une question de pouvoir, ici, le pouvoir appartient entièrement à celle qui pose devant l’objectif. À l’inverse du pornographe qui cherche à mettre mal à l’aise d’innocentes jeunes filles, Fieret est un romantique invétéré: ses photos sont autant de compliments dans une cour galante sans fin.
Photogramme extrait du film Gerard Fieret, fotograaf 1971, © Jacques Meijer
{LES ULTIMES TÉMOINS D’UNE FULGURANCE DISPARUE}
Transgressif, hors norme et hors du temps, Fieret malmène l’image et distord le réel à la recherche de « quelque chose de surnaturel, un sentiment d’éternel ». L’exposition au BAL présentera 200 tirages d’époque, sauvés de conditions extrêmes de production et d’une vie nomade d’ateliers en abris : obtenus à partir de produits chimiques et de papiers périmés, parfois séchés et brûlés à la bougie, exposés délibérément aux accidents de la vie quotidienne – poussière, traces de pas, griffures, déjections de souris ou pigeons –, pour la plupart signés et tamponnés compulsivement par leur auteur, ils portent les marques d’une agression permanente tout en étant les ultimes témoins d’une fulgurance disparue.

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