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Mode d'emploi de l'arte povera en 4 œuvres
Artstyle 19 Août 2016

Mode d'emploi de l'arte povera en 4 œuvres

Marisa Merz, Living Structures, 1966
Marisa Merz, Living Structures, 1966

Alors que le mouvement du Pop art connait un succès fulgurant, un groupe d’artistes italiens se lance dans une aventure intellectuelle bien différente… l’arte povera ou art pauvre. De par leur refus de concevoir l’oeuvre d’art comme produit, ces artistes mettent en place de nouvelles pratiques artistiques qui inspireront l’art conceptuel. Plus une « attitude » qu’un mouvement artistique à part entière, l’arte povera entend défier l’industrie culturelle en créant des oeuvres à partir de matériaux « pauvres », dénués de tout acquis de la culture de société de consommation. Décryptage des fondements de cette école de pensée radicale en 4 oeuvres emblématiques. 

Etape 1 : Utiliser des matériaux irrécupérables

Arte Povera Giovanni Anselmo - La structure qui mange, 1968
Giovanni Anselmo – La structure qui mange, 1968

La caractéristique la plus visible de l’arte povera consiste en l’emploi de matériaux dits « pauvres » : naturels ou de récupération et périssables à souhait. Le sable, le sel, le café, des plantes, des animaux, du goudron, de la corde, du charbon, du coton – les végétaux, animaux et minéraux somme toute – deviennent une nouvelle matière à partir de laquelle composer des oeuvres éphémères, qui évoluent avec le temps.

Cette oeuvre repose sur le contraste entre les blocs de granit, résistants à l’épreuve du temps, et la laitue, symbole de vitalité et elle périssable. Afin de maintenir l’équilibre fragile entre les deux, il faut souvent changer la laitue ce qui fait de l’oeuvre originale un ensemble totalement éphémère.

Etape 2 : Créer de manière artisanale voire archaïque

Arte Povera Giuseppe Penone - Soffio 6, 1978
Giuseppe Penone – Soffio 6, 1978

Afin d’avoir un rapport simple et donc vrai à ces matériaux, l’artiste ne doit pas les élaborer mais plutôt les présenter de la manière la plus évidente possible. On ne cherche plus à construire une « mise en scène » ni à interpréter la réalité mais à réellement s’identifier à elle. D’un point de vue extérieur, cette volonté de gestes artisanaux donne lieu à des oeuvres aux compositions assez directes. Cela n’exclut pas l’usage de matériaux technologiques comme les néons, pourvu qu’ils permettent de s’identifier à la réalité.

Pour réaliser cette sculpture, Penone a laissé son empreinte dans de la terre cuite, faisant appel à des techniques et matériaux qu’on utilise depuis la nuit des temps… Ce vase fait partie d’une série de 6 pièces visant à explorer la relation du sculpteur à l’oeuvre.

Etape 3 : « Vivre dans l’art » en le sortant des musées et galeries

Arte Povera Michelangelo Pistoletto - Vénus aux chiffons, 1967
Michelangelo Pistoletto – Vénus aux chiffons, 1967

Il ne s’agit non plus de « faire de l’art » mais de le vivre tel que la frontière entre art et vie quotidienne s’efface. Le but ici est que le spectateur appréhende l’objet d’art comme il le ferait de ses composantes au quotidien. Les adeptes de l’arte povera créent notamment certaines de leurs oeuvres dans des espaces naturels, se rapprochant du mouvement qui vit le jour à la même époque, le Land Art.

Un tas de vêtements plus ou moins sales et une copie de Vénus : Pistoletto emploie un des premiers objets de notre quotidien, le vêtement, accompagné d’un objet symbole de l’art ancien et in fine, de l’art, pour nous faire réfléchir sur les 2. Ainsi, en superposant ces 2 éléments, il fait disparaitre toute limite entre l’art et le quotidien.

Etape 4 : Mettre en avant le processus de création plutôt que l’objet

Arte Povera Luciano Fabro - Tautologie du sol, 1967
Luciano Fabro – Tautologie du sol, 1967

L’objet d’art n’est plus sacré : on fait plus attention à ce qui l’entoure et la démarche de l’artiste. La qualité de l’oeuvre n’est plus une préoccupation, ce qui permet de donner à l’art une autre fonction.

Le processus de création de cette oeuvre, à savoir nettoyer et polir une zone du sol pour ensuite la recouvrir de papier journaux à sécher, compte bien plus que le résultat final. Ici, Fabro vise à élever un geste du quotidien, de plus domestique, au rang des beaux-arts.

Dans sa mission ambitieuse et révolutionnaire de changer la nature de l’art, l’arte povera a permis de remettre en question bon nombre de considérations autant esthétiques que fonctionnelles au sujet de l’objet artistique. Les oeuvres d’arte povera restent fortement critiqués par certains qui y voient un baratin intellectuel… Reste que ce soit disant art pauvre vaut de l’or aux yeux de ses nombreux successeurs !