Représentations artistiques de l'amour noir

Aujourd’hui, Artsper vous invite à approfondir le sujet de l’amour noir dans sa riche – et souvent inconnue – variété de représentations artistiques. C’est un triste constat : l’amour noir est souvent éclipsé des débats et des livres d’histoire de l’art. Bien sûr, il est compréhensible que la lutte conte les discriminations raciales fait souvent passer au second rang les enjeux jugés moins importants. Pourtant la célébration de la célébration de la culture noire dans le domaine artistique a aussi un rôle à jouer. Cet article n’a aucune envie de fétichiser l’amour noir, mais plutôt d’aborder le sujet en profondeur. C’est parti pour une série de représentations inspirantes de l’amour noir et leur symbolique.

Qu’entendons-nous par amour noir ?

Certains peuvent dire que l’amour n’est pas une affaire de couleurs dans l’art. Mais cela reviendrait à nier la tradition blanche occidentale pourtant centrale en histoire de l’art. Certes, les représentations de l’amour dans l’art sans considération ethnique existent. Mais leur faible nombre est une preuve de la discrimination systémique envers les artistes noirs qu’a entretenue le système pendant des siècles.

Chez Artsper, nous croyons sincèrement à l’évolution du monde de l’art. Et nous participons à sa transformation d’un écosystème privilégié en un espace accessible à tous. Pour permettre une plus grande diversité dans le monde de l’art, nous avons à cœur de donner le maximum de visibilité aux artistes noirs émergents sur notre plateforme. Explorons dès maintenant certaines des représentations artistiques de l’amour noir, illustrées par des œuvres d’art disponibles sur Artsper.

La lutte de l’identité noire dépeinte dans l’art

Nous ne pouvons pas commencer à examiner l’amour noir dans les représentations artistiques sans faire référence à l’histoire. Dans un passé pas si lointain, le mouvement des droits civiques aux États-Unis dans les années 60 a d’abord permis une prise de conscience collective. Des événements plus récents comme les décès de George Floyd et de Breonna Taylor, ont rappelé à tous que le sujet était loin d’être réglé. D’ailleurs, les formes d’oppression existent bien au-delà des frontières géographiques de l’Amérique. Elles font partie de l’expérience universelle des personnes noires ou issues de la diaspora africaine.

L’art comme moyen d’expression de l’amour

L’art est avant tout un moyen d’expression. Depuis sa création, il est un moyen de véhiculer des messages et des émotions. Il peut aussi bien être un cri de célébration qu’un cri de désespoir, comme nous le rappellent les origines du Blues dans le Sud profond de l’Amérique. Alors que les gens ont parfois du mal à mettre des mots sur leur vérité, l’art offre un vecteur d’expression physique. Ainsi, il offre une libération de la lutte émotionnelle. De nombreux artistes noirs ont cherché du réconfort dans les arts créatifs. En effet, quel meilleur moyen pour transformer la discrimination en acceptation et le mal en amour ?

Démanteler le regard blanc…

Dans les domaines de la culture et de l’art, le regard blanc a longtemps déterminé les récits qui sont entendus, les croyances qui sont valorisées et les idées qui sont jugées dignes de marquer l’histoire de l’art. Cette conscience blanche, omniprésente et intériorisée, a eu des conséquences importantes sur l’expression artistique. Ce prisme a imposé une norme apparemment immuable : les artistes BIPOC (« Black, indigenous and people of color ») sont presque toujours cantonnés dans des rôles secondaires par rapport aux artistes stars du canon occidental.

Aujourd’hui, de nombreux artistes noirs résistent activement à cette idéologie hégémonique, en créant des œuvres qui s’adressent directement à un public et un regard noir. L’arrivée d’un plus grand nombre de créateurs noirs sur la scène artistique invite le spectateur à discuter des questions liées à l’ethnicité. Remettant en cause les discours précédent, l’amour noir met en avant un regard joyeux et affirmé.

… en faveur du regard noir

En démantelant les stéréotypes, retournant le regard et remettant en question le statu quo des mécanismes de pouvoir (car le racisme est une question de pouvoir et d’économie), les artistes BIPOC s’emparent du sujet de l’amour noir. Ce thème est principalement une célébration de l’expérience noire pour le plaisir du public noir. Il faut aussi le comprendre dans le contexte actuel, aussi bien d’un point de vue économique que social.

Kerry James Marshall est l’un de ces artistes qui démantèlent le regard blanc dans la tradition artistique. Ses œuvres d’art remettent en question la mise à l’écart historique des Afro-Américains dans le canon artistique. L’œuvre Vignette (Wishing Well) est liée à la longue série de peintures caricaturales de l’artiste. Dans celles-ci, il imite des mouvements artistiques historiques, bien connus de la tradition européenne. Dans ce tableau, l’artiste adopte les conventions artistiques de la peinture rococo française des années 1700, un style qui mettait l’accent sur la frivolité et la décadence. Marshall va à l’encontre de la norme artistique en incluant des personnages noirs comme sujet central. Cette transgression volontaire est un acte engagé, visant à démonter les préjugés raciaux ancrés dans l’histoire de l’art.

Une certaine vision de l’amour ?

Le travail de l’artiste Carrie Mae Weems illustre tout ce dont nous avons parlé dans cet article. Connue pour sa série « Kitchen Table Series », son œuvre est aujourd’hui célébrée comme la pierre angulaire de l’auto-représentation de la femme noire. Les œuvres de Weems varient dans le sérieux de leur ton. L’artiste a prouvé que son travail peut varier de sujets sombres et profonds à des œuvres ludiques, qui s’appuient sur un fort élément de romance. Dans son exposition de 2001 intitulée « A Certain Kind of Love », à la P.C.O.G. Gallery de Harlem, l’amour s’est imposé comme une thème central de son exploration artistique de l’histoire des Noirs. En se concentrant sur la marginalité sociale et politique et sur les luttes douloureuses des hommes et des femmes noirs, Weems estime que le sujet de l’amour transcende tout.

Vers une histoire de l’art noir

Les pièces présentées dans cet article ne font qu’effleurer la richesse de l’art noir. Tout comme on ne peut pas généraliser l’art d’une nation, on ne peut – et ne doit pas – généraliser l’art autour d’une ethnie. Par exemple, l’art africain définit les peintures, sculptures, installations et autres formes de culture visuelle modernes et historiques des Africains natifs ou indigènes et du continent africain. Cette définition peut également inclure l’art des diasporas africaines. Mais aussi l’art afro-américain, l’art des Caraïbes ou l’art des sociétés sud-américaines inspirées par les traditions africaines.

Malgré cette diversité, des thèmes artistiques communs émergent en étudiant la totalité de la culture visuelle du continent africain. D’abord, l’art afro-américain des 18ème et 19ème siècles a continué à refléter les traditions artistiques africaines. Ensuite, les premières œuvres d’art réalisées par des artistes afro-américains professionnels étaient dans un style occidental académique. Au début du 20ème siècle, le mouvement esthétique le plus important dans l’art afro-américain a été la Renaissance de Harlem ou le mouvement « New Negro » des années 1920.

L’avenir de l’art noir

Ce qui n’a pas changé, ce sont les difficulté des artistes noirs et leaders culturels à être vus sur la scène artistique internationale. Heureusement, l’ouverture du monde de l’art est en marche et davantage de voix sont peu à peu entendues. On peut notamment penser la redécouverte passionnante des artistes phares du mouvement abstrait noir et du mouvement du réalisme américain du début des années 2000. L’art noir porte en lui l’espoir d’ouvrir des conversations sur les discriminations, tant contemporaines qu’historiques. Au fond, nous retiendrons que les représentations artistiques de l’amour noir sont des récits de l’expérience du peuple noir. Une expérience que nous avons l’honneur d’admirer et de mettre en lumière.