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Inspirez-vous 26 Fév 2024

La nourriture dans l'art

La nourriture dans l'art
Nataliya Bagatskaya, Just Tender Peaches…, 2021, disponible sur Artsper

Tantôt modèle, tantôt matériau constitutif d’une œuvre, la nourriture fascine l’art depuis la nuit des temps. En tant que besoin vital et lieu d’exacerbation socio-culturel, notre façon de manger inspire les artistes. Mais quelle place tient la nourriture dans l’art ? Et de quelle manière a-t-elle évolué au fil des époques ? Artsper vous propose un tour d’horizon d’un art qui nourrit encore plus qu’à l’accoutumée !

La nourriture dans l’art : à la recherche d’un réalisme appétissant

Intemporelles et efficaces, les natures mortes qui rendent hommage à la nourriture ne datent pas d’hier. Le peintre grec Piraïkos, au 3ème siècle avant J.C., représentait déjà des mets très réalistes. Puis au 16ème siècle, l’interdiction de scène biblique par la réforme place la nature morte au centre de l’art. Caravage, en prenant une corbeille de fruits pour unique sujet, asseoit la nature morte comme genre pictural. Il ouvre ainsi les portes d’une production florissante : Cézanne, Matisse, Moillon, Van Gogh, Chardin, Manet, Bagatskaya… La liste des artistes ayant investi la nature morte culinaire est impressionnante.

Et cette idéalisation esthétique de la nourriture est encore d’actualité ! Il suffit de faire un tour sur Instagram pour le constater. Le dénommé foodporn y est sacrément populaire, et les artistes toujours plus inventifs pour donner goût à leurs images. Qu’importe les époques ou les cultures, la fascination de l’art pour la nourriture est inébranlable !

Caravage, Corbeille de fruits, 1597-1600
Caravage, Corbeille de fruits, 1597-1600

Les pop artistes : ode et critique de la nourriture industrielle

L’histoire d’amour entre l’art et la nourriture se poursuit dans les années 60. Mais comme la gastronomie a changé de visage avec l’industrialisation, l’art l’aborde aussi différemment. Glorification ou dénonciation de la surproduction ? La limite est parfois fine. Une chose est sûre : les artistes pop art mettent en lumière la nourriture du quotidien. Bouteilles de Coca-cola, boîtes de conserve, fast-food… L’heure est à la société de consommation américaine, dans ses plus attirants traits, comme dans ses plus sombres facettes. Andy Warhol initie ce mouvement, suivi de nombreux artistes, comme Duane Hanson avec sa sculpture hyperréaliste ou Beth Galton avec ses plats délicieusement découpés en deux.

nourriture dans l'art
Duane Hanson, Supermarket Lady, 1969, Magyar Nemesti Muzeum

La nourriture dans l’art : dénoncer la surabondance et le gaspillage

En parallèle, un mouvement presque diamétralement opposé voit le jour. Ce dernier a pour but de dénoncer le gaspillage alimentaire et de prôner le recyclage. C’est le cas d’artistes comme Alex Yudzon, qui produit The Book of Healthy and Tasty Food. Cette série de photographies invite à méditer sur notre rapport à la nourriture et aux excès qui l’accompagnent. Autre artiste, autre concept. Dans sa série Ugly Produce is Beautiful, Sarah Phillips fait honneur aux légumes gaspillés, car considérés comme moches. Idem pour l’artiste Monsieur BMX, qui lie art, nourriture et solidarité, en accrochant un caddie au mur d’un supermarché. Le but ? Que les client.e.s laissent de la nourriture aux personnes dans le besoin.

Sarah Phillips, série Ugly Produce is Beautiful, 2016
Sarah Phillips, série Ugly Produce is Beautiful, 2016

« The Undrinkable Can » : un projet artistique satirique

Par ailleurs, « The Undrinkable Can » est un projet artistique satirique à 360° qui vise à mettre en lumière la catastrophe environnementale et les conséquences néfastes pour la santé attribuées à la société Coca-Cola. Ce concept novateur s’articule autour d’une œuvre d’art en édition limitée : des canettes sur mesure, méticuleusement fabriquées, contenant chacune du Coca-Cola et scellées de manière permanente, ce qui les rend totalement non consommables. Chaque canette est accompagnée de sa boîte de présentation numérotée, ainsi que de 39 g de sucre, ce qui correspond au contenu standard d’une canette de Coca-Cola.

Ce projet a été motivé par une série d’événements alarmants. Au début des années 2000, Vicente Fox, ancien PDG de Coca-Cola Mexique, a accédé à la présidence du pays. Par la suite, Coca-Cola a rapidement obtenu une part importante des principales concessions d’eau dans diverses régions, extrayant des millions de litres d’eau par jour. Cette exploitation a entraîné une grave pénurie d’eau et des répercussions sanitaires désastreuses dans tout le pays.

©theundrinkablecan

La stratégie de tarification est aussi intrigante que le concept lui-même : un mécanisme de « premier arrivé, premier servi » détermine le coût de chaque canette. Le prix de la première canette est de 1 $, puis il augmente à chaque achat suivant : 2 $ pour la deuxième canette, et ainsi de suite. Tous les bénéfices générés par « The Undrinkable Can » au cours d’un mois sont destinés à être investis dans une position à découvert sur l’action Coca-Cola au Nasdaq.

Cette œuvre d’art a été exposée à la célèbre foire d’art Zona Maco, reconnue comme la première foire d’art d’Amérique latine. « The Undrinkable Can » a reçu la distinction de « l’œuvre d’art la plus curieuse de la foire ».

La nourriture, un exhausteur de problématiques socio-culturelles

L’art contemporain voit aussi fleurir de nouveaux questionnements sur la nourriture, davantage portés sur sa dimension sociale et culturelle. C’est le cas de Daniel Spoerri, à l’origine du mouvement « Eat art ». Parmi ces différentes œuvres, il organise plusieurs repas-performances ouverts au public. Les convives y sont séparés en deux : d’un côté, les riches, de l’autre, les pauvres. Le but étant de questionner la valeur socio-culturelle de la nourriture, tout en profitant d’un moment d’échange. L’artiste a d’ailleurs réalisé de nombreux « tableaux pièges », immortalisant les restes de repas.

Dans la série des repas-performances, on trouve aussi le travail de Vanessa Beecroft, porté sur le rapport obsessionnel à la nourriture. Ou encore la collaboration de Trapier Duporté et Luc Avargues, qui questionne le rite, les codes culinaires et la convivialité. Et comment ne pas citer le Disgusting Food Museum ? Un musée qui fait la part belle aux mets les plus écœurants du monde ! Au-delà de l’expérience visuelle pour le moins truculente, cette initiative interroge le lien étroit entre culture et nourriture.

nourriture dans l'art
L’un des tableaux pièges de Daniel Spoerri, atour de 1930


La nourriture dans l’art, apogée de nombreux paradoxes

Si la nourriture dans l’art tient cette place d’or, ce n’est pas un hasard. Elle se trouve au centre de nombreux paradoxes. Le gaspillage et la nécessité, le social et l’intime, le respect de la nature et l’industrialisation, le quotidien et l’exception… Elle peut tout aussi bien traduire un présent dégusté ou un passé consumé. Le food art est une belle manière d’honorer la vie et la convivialité, tout en questionnant le déterminisme social et culturel.



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