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L'influence de l'art japonais sur les artistes occidentaux
La minute arty 15 Juil 2020

L'influence de l'art japonais sur les artistes occidentaux

Aujourd’hui encore, le Japon a une influence significative sur l’art occidental. Et ce phénomène est loin d’être une nouveauté… En effet, de nombreux aspects de la tradition artistique japonaise sont des sources d’inspiration constantes pour les artistes, comme les estampes sur bois ukiyo-e ou les mangas. C’est parti pour un voyage à travers le temps et les cultures avec Artsper, afin de comprendre l’influence de l’art japonais sur les artistes occidentaux.

L’impressionnisme et la naissance du japonisme

Le bassin aux nymphéas, Claude Monet, 1899 and Sous le pont de Mannen à Fukagawa, Katsushika Hokusai, ca. 1830-32

L’influence de l’art japonais sur les artistes occidentaux s’affirme à la fin du 19ème siècle avec l’impressionnisme. Ce phénomène est d’ailleurs connu sous le nom de japonisme. En effet la reprise des échanges commerciaux Japon-Occident dès 1853 accroît l’intérêt pour l’art japonais et l’arrivée progressive de leur culture et leurs produits en Europe. C’est en 1872 que le collectionneur et critique d’art français Philippe Burty, utilise pour la première fois, le terme japonisme pour désigner l’influence grandissante du Japon sur les artistes occidentaux.

C’est à la même période que sont introduites les estampes sur bois ukiyo-e, littéralement « images du monde flottant ». Elles font référence aux quartiers de plaisir d’Edo (le Tokyo actuel). Ces estampes représentent des acteurs de théâtre Kabuki, des paysages, des scènes érotiques et bien d’autres aspects de la culture japonaise. Les artistes ukiyo-e les plus célèbres sont Katsushika Hokusai, Kitagawa Utamaro et Utagawa Hiroshige. On retrouve déjà dans leurs travaux les perspectives si particulières, les couleurs vives et les contours bien définis, qui inspireront les artistes occidentaux. 

Mais il est important de noter que le japonisme fait partie intégrante d’un mouvement plus important : l’orientalisme. En effet, les artistes eux-mêmes s’habillaient en vêtements traditionnels et imitaient les traditions japonaises. Rétrospectivement, cette pratique nous apparaît davantage comme de l’appropriation culturelle qu’une célébration de celle-ci…

Le sujet

Des artistes impressionnistes, comme Edgar Degas, Claude Monet ou James Tissot, ont formé de grandes collections d’art japonais. D’ailleurs, certains d’entre eux s’inpirent de l’art japonais de façon plus littérale que d’autres. Par exemple, les peintures du pont japonais de Monet peuvent être directement comparées aux paysages des estampes ukiyo-e, notamment celles de Hokusai, Sous le pont de Mannen à Fukagawa. Une adaptation qui introduit ainsi une touche japonaise, distincte au mouvement traditionnellement français de l’impressionnisme. 

Le Style

The Coiffure, Mary Cassatt, 1890-91 and Takashima Ohisa Using Two Mirrors to Observe Her Coiffure, Kitagawa Utamaro , ca. 1795

Entre-temps, de nombreux artistes reprennent – dans le style plutôt que dans le sujet – les codes de l’estampe dans leurs œuvres, comme Mary Cassatt et Edgar Degas. Cassatt réinvente ses sujets favoris, les femmes et les enfants, dans le style des estampes japonaises. Ainsi elle utilise des aplats de couleurs plates et des dimensions suggérées par les seuls traits, et non les tonalités. C’est particulièrement visible dans son estampe The Coiffure, qui représente une femme en train de se brosser les cheveux. Elle évoque directement celles de Kitagawa Utamaro, Takashima Ohisa Using Two Mirrors to Observe Her Coiffure, réalisées pourtant cent ans auparavant ! L’estampe est ainsi un genre intemporel.

De même, pour le pastel Femme se coiffant Edgar Degas s’est directement inspiré de Yamauba Combing Her Hair and Kintoki d’Utagawa Hiroshige. Dans celle de Degas, le spectateur est d’ailleurs placé légèrement au-dessus du sujet, c’est typique de l’art japonais. Une référence rendue possible car Degas a fait des recherches approfondies sur le travail des artistes japonais. 

Post-impressionnisme

Enfin, il est impossible de parler de l’influence de l’art japonais sur les artistes occidentaux sans mentionner le travail de Vincent Van Gogh. Bien qu’il ait été un peu plus tardif que les artistes précédents, l’art japonais l’a marqué de façon durable. Son amour pour la nature et les paysages l’amène à déménager à Arles, dans le sud de la France. Van Gogh cherchera tout au long de sa vie à recréer un style inspiré par le Japon toujours plus authentique.

Ainsi, l’art japonais a un écho très prononcé dans la période impressionniste, aussi bien en termes de choix des sujets que des styles.

Art nouveau et influences modernes

Le Portrait d’Adele Bloch-Bauer I, Gustav Klimt, 1907

Gustav Klimt, dans sa période l’Art nouveau, s’est aussi inspiré des estampes ukiyo-e. Des aplats, des motifs complexes et des couleurs vives sont particulièrement visible dans ses œuvres. De plus, c’était un grand admirateur de l’école Rinpa de Kyoto, connue pour son utilisation de fonds à la feuille d’or et son style raffiné. Le lien est évident avec Klimt, dont on ne peut que se rappeler l’attachement, tout au long de sa vie, à la feuille d’or et aux détails.




Divan Japonais, Henri de Toulouse-Lautrec, 1892 and Two Women, Kitagawa Utamaro, ca. 1790

Henri de Toulouse-Lautrec a lui abordé des thématiques proches de celles de l’époque Edo (prostitution, salle de danse et cabaret). Il compte notamment dans sa collection personnelle les estampes ukiyo-e de Kitagawa Utamaro. Pour la petite histoire, celui-ci a été arrêté en 1804, car ses estampes de personnages historiques avec des courtisanes, sont alors considérées immorales. Encore un lien qui peut-être fait avec Toulouse-Lautrec, les deux artistes sont manifestement proches malgré leurs différences de génération et de culture ! Toulouse-Lautrec utilise des couleurs vives, des contours sombres et peu de profondeur dans ses affiches. C’est indubitablement dérivée des estampes des théâtres Kabuki. Son œuvre Divan Japonais est un parfait exemple de sa fascination pour tout ce qui concerne le Japon.

L’expressionnisme abstrait et l’art de la calligraphie

Mahoning, Franz Kline, 1956

L’influence de l’art japonais sur les artistes occidentaux continuent au 20ème siècle malgré une évolution des centres d’intérêt. Déjà, le centre de la scène artistique occidental se déplace de Paris à New York. De plus, les artistes du mouvement américain de l’expressionnisme abstrait tout au long des années 1940 et 1950, cherchent l’inspiration en Orient. Les deux pays ont une influence mutuelle majeure dans les années d’après-guerre, ce qui a parfois fait parler d’une infiltration de la culture japonaise dans l’inconscient collectif. Une théorie jungienne à laquelle les expressionnistes abstraits font parfois référence, car ils entendent exprimer la liberté dans leurs œuvres. Bien que contestées, certaines analyses comparent les coups de pinceaux énergiques de Franz Kline, Willem de Kooning et Jackson Pollock à la calligraphie (japonaise et chinoise).

Franz Kline

De plus, Franz Kline s’intéresse particulièrement à la calligraphie d’avant-garde Bokujinkai, basée à Kyoto. Ainsi, comme d’autres artistes de l’époque, on remarque des similitudes dans leur travail ou dans la série Black and White. Kline échange de nombreuses lettres avec ce groupe et fait même découvrir la calligraphie japonaise au public américain. Au fil des ans, Kline va cependant peu à peu nier les ressemblances entre son travail et la calligraphie, car ses œuvres sont purement visuelles et non écrites. Un rejet probablement causé par le développement du nationalisme aux États-Unis après la guerre. Pour confirmer son engagement dans le mouvement majeur de l’époque, l’expressionnisme abstrait, Kline a ainsi réduit les influences japonaises de ses œuvres afin de défendre une esthétique complètement américanisée.

Jackson Pollock

Echo: Number 25, Jackson Pollock, 1951

Dans la même veine, Jackson Pollock, célèbre pour le développement de l’action painting, a réinventé les écritures de nombreuses cultures – calligraphie japonaise inclut – dans ses peintures abstraites. De plus, Pollock utilise du papier japonais comme base pour ses œuvres. Une influence certaine, à l’image de sa série Black, qui évoque encore plus les coups de pinceaux fluides de la calligraphie.

À mi-chemin entre la création d’un mythe moderne et une véritable source d’inspiration, l’art moderne s’est inspiré de l’art japonais. Si bien que les ressemblance entre la calligraphie japonaise et les peintures abstraites sont indéniables ! 

L’art contemporain et l’explosion du manga

Radiant, le manga français

Aujourd’hui encore, la fascination pour l’art japonais perdure chez les artistes occidentaux. C’est maintenant le tour du manga (littéralement bande dessinée) et sa forme animée, caractérisée par des expressions faciales exagérées et colorées d’avoir la cote !

Depuis le milieu des années 1990, la France a développé un vrai engouement pour manga. Elle représente aujourd’hui le deuxième marché mondial après le Japon ! Cela incite des éditeurs tels que Glénat à produire leur propre manga en langue française et à concevoir un mouvement « La Nouvelle Manga », en collaboration avec des artistes franco-belges et japonais. 

Pop culture

Un engouement qui coïncide avec le phénomène Pokémon, lequel a survolé le monde dans les années 1990, tout en mettant en avant le style artistique japonais. Aujourd’hui, ce n’est plus un style de dessin inconnu, mais bien un élément de base de la culture populaire. Parallèlement, la popularité des artistes comme Takashi Murakami (un des plus grands noms de l’art contemporain) a énormément grandir au cours de cette période. Son art joue un rôle essentiel dans l’introduction de l’esthétique kawaii en Occident. Caractérisée par ses couleurs vives et pastel ainsi que ses personnages mignons, il fait un carton chez les jeunes ! Que ce soit en bandes dessinées, ou en peinture, l’art japonais connaît un retour en force dans les années 90. Ce n’est donc pas surprenant qu’il se soit enraciné dans l’esprit des artistes occidentaux. 

Le Songe du tigre, Caroline Maurel, 2019

Aujourd’hui, les artistes occidentaux s’inspirent de cette forme d’art, des personnages et du style du manga à leur manière. Par exemple, on le retrouve chez des artistes Artsper comme Caroline Maurel et Arno Metz. Ils adoptent un style moderne japonais dans leurs propres œuvres.

Dans notre périple, nous sommes allé du Japon vers la France en passant par les États-Unis. Et nous avons constaté que l’art japonais a eu une influence majeure sur les artistes occidentaux pendant les deux derniers siècles. Et il ne fait aucun doute que l’art japonais continuera d’être une source importante d’inspiration pour les années à venir ! D’autant plus qu’il est l’un des pionniers de la technologie moderne, sujet de plus en plus populaire dans l’art contemporain. Alors, quelle forme d’art vous a le plus inspiré ? La complexité des estampes ukiyo-e, le caractère saisissant de la calligraphie ou la narration des mangas ?




À propos d’Artsper

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