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Museum of Jurassic Technology: l’un des secrets les mieux gardés de Los Angeles
Artstyle 13 Juil 2015

Museum of Jurassic Technology: l’un des secrets les mieux gardés de Los Angeles

Los Angeles est une ville que l’on perçoit souvent comme  un lieu de pure « entertainment”. Superficielle sous bien des aspects, elle axe majoritairement son business autour de l’industrie du cinéma, de la musique, de la télé, certes, mais aussi de l’art.Dans ce domaine, la Fondation Getty (ou Getty Center), le LACMA, ou le Hammer Museum, par exemple, restent les fleurons incontestables de ses lieux d’expositions.

Toutefois il existe aussi un musée incroyable : le Museum of Jurassic Technology, qui n’est que très rarement mentionné, voire tenu secret. En français, on pourrait le traduire par : « Musée de la Technologie du Jurassique ». Le terme de Jurassique bien sûr, nous ramène à la vision d’une planète archaïque aux strates horizontales en cours d’évolution, sur laquelle s’ébattent de gros dinosaures. Alors dans le contexte de cette représentation universelle et burlesque, associer anachroniquement « Technologie » et « Jurassique » appelle le questionnement.

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C’est le fondement même du musée: personne ne sait vraiment à quoi s’attendre en s’y rendant. De ce fait, il semble que les seules personnes qui sonnent à sa porte soient des “initiés”, ou l’aient connu par le bouche à oreille. Première étape : avoir percé la confidentialité, car le lieu semble presque tenu secret.

Le MJT est localisé à Culver City, l’une des artères principales de la ville en matière d’art. Culver est aussi l’un des quartiers les plus riches en galeries.

Le peu de guides touristiques qui pointent le MJT n’en éclairent pas pour autant les visiteurs potentiels : la plupart de ceux qui en reviennent le qualifient de « drôle » ou « d’étrange ». Mystère. Aucune publicité, aucun panneau ne le repère non plus. Le site internet nous laisse également sur notre faim.

C’est pourquoi le plus simple reste effectivement de s’y rendre, à ses risques et périls.

{UNE EXPÉRIENCE DU TROISIÈME TYPE}

Utilisant le concept de James Putam, on peut dire que le MJT est une « institution hybride » : tenu par un couple, David et Diana Wilson, le musée se présente à première vue sous la forme d’un traditionnel cabinet de curiosité européen.

L’entrée s’effectue par une lourde porte, à laquelle, suivant instruction, on aura donc préalablement sonné. La première impression fait passer le visiteur d’une journée ensoleillé de LA, à une sombre froideur ponctuée de bruits étranges. Le parcours est tortueux, emplis de « reliques » ou autres objets sans valeur mais qui semblent avoir une importance dans l’histoire que ce lieu veut raconter. Détailler ce que l’on voit serait vain, car le contenu du musée fait l’effet d’une brocante chic ou cheap : on passe sans transition de tableaux de chien du programme spatial russe, à une corne poilue qui aurait poussé sur le front d’une femme au 16ème siècle en Europe…

Un insolite questionnement anime le visiteur face à ce musée à première vue dénué de sens. Où est le vrai, le faux ? Le réel, le virtuel ? Mais  quel est cet endroit ? C’est vrai tout ça ? »

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 {UN MUSÉE QUI RÉFLÉCHIT SUR CE QU’EST UN MUSÉE}

On peut penser alors que le vrai intérêt du MJT est d’être un musée qui parle des musées : comment exposer une mémoire commune, et la mettre en valeur, que se passe-t-il si cette mémoire est altérée par une autre réalité possible, préservée et restituée comme telle ?

Comment le qualifier d’un mot ? Difficile…Dire comme beaucoup qu’il est « drôle » serait le rabaisser, car le MJT fait beaucoup plus qu’être drôle, il nous guide peu à peu vers des fondamentaux philosophiques.

D’un point de vue strictement muséographique (ou « curatorial practice »), le MJT propose en effet un concept tout a fait avant-gardiste, en utilisant ce système, reconnu durant des décennies, du « wunderkrammer » ou « cabinet de curiosité ». Il retrace la logique de la découverte et de l’émerveillement, basée sur la notion de la valeur du réel, du « vrai », d’autant plus subtilement qu’il passe par l’expression même du faux.

David Wilson le dit lui-même, le MJT est “probably the most traditional museum ever”: le visiteur est propulsé dans un environnement qui l’oblige à interagir avec les oeuvres de manière profonde et intense. Il doit aussi s’impliquer physiquement : se pencher, se courber, regarder de plus près au travers de lunettes, de loupes… Le parcours contribue magistralement à l’expérience sensorielle : on passe de l’ombre à la lumière (le musée à une terrasse jardin au dernier étage- à ne surtout pas manquer !), du froid au chaud, tout comme métaphoriquement, de l’étrange au surréaliste…

Le MJT jauge les limites, notamment par l’idée que le musée, institution conservatrice par excellence, ne serait pas nécessairement une source fiable. Le message que l’on nous délivre ne serait donc pas foncièrement universel, mais né du pouvoir établi par les sociétés modernes il y a déjà bien longtemps, dictant également le beau et le laid, et la valeur des choses.

Le visiteur devra utiliser alors son libre arbitre en admettant la possibilité d’une alternative à la connaissance, qui ne serait notamment plus didactique car établie spontanément par le visiteur lui même. Une nouvelle lecture du monde.

À visiter…

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“ Hybrid institution” term used in James Putnam’s: Art and Artifact: the Museum as Medium, Second Edition, Thames and Hudson Ed, New York, NY, 2009

Interview avec D. Wilson, June 21, 2013

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