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La période bleue de Picasso : une couleur chargée en significations
La minute arty 27 Jan 2022

La période bleue de Picasso : une couleur chargée en significations

La période bleue de Picasso : Pablo Picasso, Le Repas de l’aveugle, 1903
Pablo Picasso, Le Repas de l’aveugle, 1903, © The Metropolitan Museum of Art

1900 : Picasso n’a que 19 ans lorsqu’il arrive à Paris. Vivant dans des conditions précaires, il se retrouve rapidement confronté à la misère et au deuil. De cette grande souffrance naît la période bleue de Picasso, durant laquelle il peindra des tableaux monochromatiques. La couleur du désespoir accompagnera ainsi toutes ses productions de 1901 à 1904 et marquera un tournant dans son approche créative. Artsper vous explique tout sur cette période chargée en symboles, remises en question et critiques sociales.

Un début tragique

L’année 1901 marque le début de la période bleue, déclenchée par un événement tragique. Casagemas, un ami proche de Picasso, se donne la mort dans un café parisien. Ce suicide plonge le peintre dans le chagrin le plus total. Quelques semaines après le décès de son ami, Picasso achève La Mort de Casagemas, dernière œuvre avant la période bleue. Mêlant le rouge et le jaune, elle témoigne de la fin provisoire de son utilisation des teintes chaudes. À partir de là, les tableaux de Picasso se couvrent d’une uniformité chromatique : le bleu. Couleur de la mélancolie, de la tristesse et du désespoir, le bleu traduit l’état d’abattement dans lequel se trouve Picasso.

La période bleue de Picasso : Pablo Picasso, La Mort de Casagemas, 1901, Musée National Picasso-Paris © RMN-Grand Palais
Pablo Picasso, La Mort de Casagemas, 1901, Musée National Picasso-Paris © RMN-Grand Palais

La période bleue de Picasso, chargée en symboles

Tant sur le fond que sur la forme, les peintures de la période bleue de Picasso traduisent une profonde affliction. Du côté de la technique, ce sont des œuvres monochromatiques aux lignes austères et à la composition efficace. Elles ne comportent généralement aucune indication de temps, ni de lieu, comme si elles représentaient une constance universelle : la douleur.

Pour autant, les œuvres de Picasso ne sont pas dénuées de contexte historique ou géographique. Inspirées de sa culture d’origine, elles font référence à la peinture réaliste du Siècle d’or ou à la littérature espagnole. On retrouve notamment de fréquentes références à Greco et Fernando de Rojas. Le symbolisme religieux est aussi très présent, par la représentation de figures comme les pleureuses médiévales et la Vierge Marie. Ainsi, Picasso peint les populations oubliées – mendiant.e.s, prisonnières, prostituées, aveugles – mises au ban d’une société sans scrupule. Tels des spectres faméliques, ces portraits nous confrontent à la misère, la mélancolie, la mort, la pauvreté et la vieillesse.

Période bleue de Picasso : Le Mendiant et l'enfant, 1903
Picasso, Le Mendiant et l’enfant, 1903

Les œuvres emblématiques de la période bleue

En 1901, Picasso réalise Autoportrait, empreint de sa représentation sombre de l’époque. Il y imprègne ses propres traits d’une gravité en décalage avec son âge. Un portrait peu flatteur, le visage creusé, le vêtement rapiécé et l’air désabusé, mauvais. Peut-être les prémisses de son caractère destructeur, sur lui comme sur son entourage ?

Pablo Picasso, Autoportrait, 1901, Musée national Picasso-Paris
Pablo Picasso, Autoportrait, 1901, Musée national Picasso-Paris

Au cours de la même année, Picasso rencontre Louis Jullien, docteur spécialisé dans les maladies vénériennes. Par son biais, il se rend dans l’hôpital d’une prison de femmes, à Saint-Lazare, où il observe longuement les détenues. Touché par cette misère sociale, Picasso transforme les malades – pour la plupart prostituées – en Vierge à l’enfant ou en madones. Parmi ses productions de l’époque, L’Entrevue témoigne de cette sacralisation de la figure féminine.

Pablo Picasso, L'Entrevue, 1902, Musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg
Pablo Picasso, L’Entrevue, 1902, Musée de l’Ermitage à Saint-Pétersbourg

L’une des peintures les plus emblématiques de cette période est La Vie, une allégorie du cycle de l’existence. Ce tableau – décrivant une boucle sans fin – révèle un jeu multiple sur les mises en abyme. D’une part, car il représente les différentes étapes de la vie, comme la naissance, la grossesse ou la mort. D’autre part, parce que cette œuvre est constituée de tableaux dans le tableau. Mais se cache aussi sous les couches de peinture un autre type de renouveau. En recouvrant son œuvre Derniers moments, Picasso donne une seconde naissance à sa toile : La Vie.

Période bleue de Picasso : Pablo Picasso, La Vie, 1903, Cleveland Museum of art
Pablo Picasso, La Vie, 1903, Cleveland Museum of art

Quand la mélancolie laisse place à la joie

La période bleue traduit donc avant tout la désillusion d’un jeune homme face à la cruauté du monde. Partant de sa propre désolation, Picasso s’intéresse à un monde qui, comme lui, est en souffrance. Mais – peu rentable et pas forcément prioritaire aux yeux de l’artiste – il délaissera la misère pour une forme de légèreté. Sans abandonner une mélancolie qui le caractérise, sa rencontre avec Fernande Olivier en 1904 l’oriente vers des thématiques plus joyeuses. Spectacle vivant, saltimbanques et univers festif… C’est le début de la période rose !


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