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La minute arty 29 Juin 2014

La figuration narrative

Cette semaine, focus sur la figuration narrative, ce courant souvent déprécié, qui ne s’est par ailleurs jamais revendiqué en temps que tel (contrairement aux Nouveaux Réalistes par exemple, de peu leurs aînés). Pourtant, d’immenses artistes ont lancé le mouvement. Et O joie, la plupart d’entre eux sont sur Artsper. 

Jacques Monory

« La peinture n’aurait-elle pas elle aussi le droit de traiter, comme Godard, de « deux ou trois choses que je sais d’elle… » de la violence dans un monde qui prétend à une rationalité technique croissante ».  Pierre Gaudibert

Dans les années 60, une nouvelle manière d’envisager la représentation émerge dans un climat tendu. La Guerre d’Algérie, les événements de la guerre froide et la Guerre du Vietnam font le bonheur de la presse internationale, qui abreuve le monde d’image choquantes, cruelles et insoutenables. L’image, au sens  large du terme, devient l’outil numéro 1, l’arme fatale de notre société de consommation. Face à cette frénésie absolument incontrolable, cette gloutonnerie d’images, visible dans le Pop Art, au cinéma, dans les bandes dessinées,  des artistes peintres choisissent aussi de dire le vrai en peinture.

L’acte de naissance de ce mouvement qui n’en est pas un, c’est l’exposition  organisée par Gérald Gassot-Talabot et les peintres Bernard Rancillac et Hervé Télémaque, en 1964 au Musée D’Art Moderne de la Ville de Paris, Mythologies quotidiennes (un terme emprunté à Roland Barthes), en réaction à la toute puisance du Pop Art américain qui tend à phagocyter la scène artistique internationale.  Alors que Rauschenberg reçoit le Grand Prix de la Biennale de Venise la même année, la peur de la domination américaine se fait sentir

Hervé Télémaque, Le retour du Printemps, 1974 

34 artistes participent à l’exposition, dont Arroyo, Berthelot, Bertini, Fahlström, Klasen, Monory, Rancillac, Recalcati, Saul, Télémaque… Comme leurs homologues américains, ils placent la société contemporaine et ses images au cœur de leurs œuvres (publicité, bande dessinée, image cinématographique…), mais en diffèrent par un refus catégorique de l’esthétisation à outrance. A la froideur policée, à l’abstraction gestuelle et lyrique, ils opposent le mouvement, la vie, le vrai.

Peter Klasen, Couple in a red car – High Voltage, 2009 

C’est un échec retentissant. L’exposition est, par beaucoup, mal accueillie. Pierre Restany, le fondateur du Nouveau Réalisme, ne mache pas ses mots : « […] En plein scandale de Venise s’ouvre au Musée municipal d’art moderne, sous le titre de « Mythologies quotidiennes », une exposition de pop-art à la française : de l’américanisme hâtif, mal digéré par de faux blousons noirs ».

Eduardo Arroyo, L’espagne masquée, 1972 

Quelques mois plus tard, en janvier 1965, un nouveau pas est franchi qui va marquer l’histoire de la Figuration narrative. Emile Aillaud, Eduardo Arroyo, Henri Cueco, Antonio Recalcati et Gérard Tisserand, qui se sont fixés pour objectif de faire de l’art un outil de transformation sociale, investissent et redonnent à la 16e édition du  Salon de la Jeune Peinture une orientation militante. Chacun des membres du Jury, dont les cinq peintres contestataires, se sont astreints à peindre une toile de 2 mètres par 2 de couleur verte, par dérision vis-à-vis du paysagisme, domaine de prédilection des artistes exposant traditionnellement dans ce lieu. Dès lors, les expositions se succèdent.

Bernard Rancillac, Jazz, 1998 

Peu à peu, les caractéristiques de cette nouvelle figuration s’affirment. En 1967, avec l’exposition Bande dessinée et Figuration narrative, présentée au Musée des Arts décoratifs, Gérald Gassiot-Talabot définit enfin ce qu’il entend par cette figuration, et donne son manifeste à cet anti mouvement : « Est narrative toute œuvre plastique qui se réfère à une représentation figurée dans la durée, par son écriture et sa composition, sans qu’il y ait toujours à proprement parler de ‘‘récit » ».  La Figuration narrative se veut populaire, proche du peuple, et nombreux sont les membres fondateurs qui prennent part aux événements de Mai 68. Comme l’a très justement dit Gérard Fromanger, pendant cette période bouillonnante d’énergies créatrices,

« L’histoire de l’art rencontrait l’histoire ».

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