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FOCUS SUR L'ARTISTE YANNICK FOURNIÉ
La minute arty 04 Sep 2015

FOCUS SUR L'ARTISTE YANNICK FOURNIÉ

Yannick Fournié est un artiste dont l’œuvre combine le réalisme d’un Velasquez, la fidélité photographique d’un Chuck Close, et l’énergie esthétique et émotionnelle d’un Caravaggio. Il y a dans son coup de pinceau une véracité esthétique, une empreinte génétique ancrée dans la modernité mais dont l’approche révèle l’utilisation des techniques du 17ème siècle, offrant un contraste d’ombres et de lumières pour illustrer la noblesse et la fragilité de la condition humaine. Un regard qui n’est pas sans apporter une réflexion plus large sur ces supers puissants du monde réel d’aujourd’hui. Ces portraits nous font également découvrir, sous la patine du temps, la mélancolie inattendue de ceux censés être invincibles.

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Au delà d’être juste inédite et iconoclaste, l’œuvre picturale de Yannick Fournié dévoile un universalisme populiste, du commun des mortels à la fantaisie théâtrale des puissants, sa production contemplative est une succession de clichés instantanés, une enveloppe Polaroid, dont l’intérieur est comme une chambre noire avec des chimies. Plonger son regard dans l’une des ses créations c’est emprunter la route 66 en vision accélérée, c’est se plonger dans une alchimie pléthorique de couleurs, de formes, de sons, c’est flirter avec la mélodie revendicative de Nina Simone et de Radiohead, c’est dévorer l’imagerie d‘Andy Warhol, c’est contempler l’absolu cinématographique et l’art du fragment de Nicolas Griffin.

La flamme originelle qui habite sa création se diffuse dans un univers onirique et lyrique flamboyant.
Il peint l’homme et la femme tels qu’ils sont, il ne cherche pas à les flatter, ni à les enlaidir, il parvient à tirer les défauts vers une forme d’éternité, à rentre harmonieux un monde aux codes chaotiques. Sans ostentation aucune, il dépeint les grandeurs et les misères d’une propagande sociale, politique, et technologique assourdissante dont la mise en scène replace l’individu au centre du débat.
Yannick Fournié est un artiste unique.

Quelle est la genèse et l’essence de ton oeuvre?

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Plus jeune j’étais en Arts Graphiques, j’avais envie de faire quelque chose dans le design, mais à partir du moment ou je suis rentré dans un carrière militaire puis sportive, je savais qu’on ne peut pas créer en dilettante, je n’ai touché à rien pendant 20 ans, j’ai repris en 2011. J’ai passé une année à ré-apprendre, à pratiquer, avec une évolution technique toujours en cours. La liberté technique c’est la liberté d’expression. Plus je vais aller vers une aisance technique plus je vais retrouver la pureté des images que j’ai dans la tête. La genèse c’est ça. C’est un bel accident de vie.

J’ai engagé un travail artistique qui est parti sur une volonté de m’identifier. J’ai été repéré par une galerie parisienne lorsque j’ai crée la série de flics et militaires. C’est mon tout premier travail. Cette série montrait des flics travestis, maquillés, et j’ai eu la volonté de montrer la complexité dans la rigidité , la réputation violente de ses personnages que l’on confond, que l’on mélange, avec la réalité de ce qu’ils sont vraiment. Tout simplement car cela correspond a une partie de ma vie dont je suis sorti volontairement.

Ce travail a été très spontané, il est né pour dire “voilà la transition est là, c’est ce que j’ai vécu”.
J’ai abandonné ce qui correspondait à un formatage institutionnel, les Beaux Arts pour m’engager dans l’Armée; J’étais sportif et je suis allé en quête de sensations fortes. Quand j’ai repris mon activité d’artiste, elle a repris de manière intrinsèque, là ou je m’étais arrêté.

J’étais très rationnel, très cartésien dans mes anciennes activités, la rigueur que j’ai développé m’a permis d’aborder mon activité d’artiste sereinement.

De toutes les formes d’expression que l’on retrouve dans ton travail, laquelle est le plus palpable pour toi?

J’ai appris à dessiner avec les comics et cela a annoncé mon envie de peindre, de créer des choses qui seraient dans une dimension réaliste mais avec une dynamique surréaliste, c’est à dire de peindre des choses qui n’existent pas et d’aller me projeter au delà de quelque chose de simplement contemplatif.

Le cinéma m’inspire beaucoup, m’apporte des idées , parce que selon les réalisateurs, il y a des ambiances parfois qui se suffisent à elle même. Il me fournit des chocs esthétiques assez intenses, ce qui est viscéral pour moi, je suis en quête de cela. Quand je vais à Paris je vais au musée d’Orsay et je prends des gifles, je trouve dans les oeuvres classiques des chromis, des palettes qui m’inspirent.

Quelle place occupe dans ton travail les personnes ou éléments suivantes: l’homme, la femme, la couleur, la musique?

La musique est un support, je ne travaille pas sans elle, quand je dessine ou que je peins j’ai besoin de faire appel à des ressentis, elle me mets dans une sorte d’état soit mélancolique soit dans une motivation assez intense, comme si j’étais en hypnose consciente, je laisse glisser un geste, des couleurs spontanées.

J’ai beaucoup travaillé sur l’homme parce que j’ai beaucoup travaillé sur moi. Je sors des portraits et des personnages masculins, je commence à rentrer dans d’autres compositions ou je vais raconter ce qui m’entoure.

La couleur c’est la base. La seule façon de détourner la réalité c’est en modifiant les teintes, c’est le principe des filtres. J’ai envie de proposer une recherche de contrastes, je suis en quête de chocs esthétiques; contraster une chair avec un environnement froid, ou inversement, ce qui passe par le contraste avec cette recherche de chromis chaud froid et toutes les couleurs qui peuvent en découler et je tends de plus en plus vers ce que l’on appelle le clair-obscur, c’est à dire mettre en lumière une chair sombre avec une carnation très saturée, par exemple, ou une chair laiteuse sur un environnement foncé. On retrouve cela dans la peinture classique.

A ce propos, définirais-tu l’art comme un processus en solitaire tel le navigateur en pleine mer ou plutôt comme une forme de symbolique collective ?

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Les deux mon capitaine! Dans le processus de création, on ne peut ignorer l’environnement dans lequel on vit et le principe d’histoire de l’Art . L’état de solitude perpétuel me convient pour sortir des images plus intenses. La problématique de Biarritz comme lieu de création c’est que cela a atteint une partie de toi, ça m’a endormi, alors que mon séjour de deux mois à New-York.

Parle moi de tes séjours à New-York. Que vas-tu chercher là bas?

Je suis parti à New-York pour préparer un un solo show pour la Galerie Bertrand Delacroix , qui défend des artistes européens. Il m’a contacté après avoir vu mon travail sur une foire d’Art contemporain a Toronto.

J’avais un atelier entre Soho et Chinatown. C’est un pays de contrastes qui me correspond tout à fait. J’ai fais une production sur place avec des coupures qui consistaient à m’immerger avec des américains que j’ai rencontré là bas. Ça a été phénoménale, cette énergie m’a procuré une bouffée d’oxygène. Si je devais résumer ce voyage je dirai que c’est potentiellement un excès contrôlé, j’aime l’état d’esprit et leurs travers. Je vais y retourner. Je pense que pour moi ce sera la deuxième étape. La première a été de quitter Toulouse.

Es-tu à la fois fasciné et critique par rapport à cette société à outrance?

La puissance, l’énergie, l’accessibilité me fascine, c’est un pays qui encense et détruit l’individu en meme temps, de par leur manque d’empathie parfois. La ségrégation est ancrée, des peintures vont arriver dans ce sens là. Mais en effet, je trouve ce pays fascinant dans sa démesure. C’est un condensé de ce que l’Europe a pu être, dans le pire et dans le meilleur. Dans cet environnement je me suis senti chez moi.

Pour un artiste français, la notoriété passe forcément par une reconnaissance américaine ou française?

On peut acquérir une notoriété locale, régionale, nationale ici mais c’est long et on fait face à beaucoup de critiques dans le milieu de l’Art contemporain. En France il y a quelque chose de très conceptualisé dans la manière de le consommer, le fait que l’artiste ait suivi une formation, qu’il ait pu acquérir la noblesse de l’école d’Art. Les Etats-Unis pensent à l’inverse; ils te donnent une chance et te jugent sur ce que tu fais, ce que tu crée, pas sur ton cursus . Il faut se faire connaitre a l’extérieur pour être reconnu en France, aucun doute qu’il faut passer par la. C’est triste.

Si ton Art était une vertu, laquelle serait-ce ?

Je suis tellement dans la mouvance, la mutation en permanence, d’un travail à l’autre que je suis plutôt  dans le vice que dans la vertu. J’aime parler de ce que l’on cache derrière une belle façade. J’ai vécu beaucoup de choses humainement et socialement et j’ai toujours été médusé de voir des personnes tellement propres sur elles faire des choses extrêmes Dans cet Art social, je rentre plus dans la description des vices humains et sociaux.

Le masque de catcheur a quelle symbolique pour toi?

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C’est la métaphore de la représentation sociale. Je l’ai utilisé quand j’ai vu un catcheur le lendemain d’un match dans un supermarché. Au Mexique il cultivent le star système. C’est ce que j’ai retenu, ce coté très graphique du super-héros, alors que quand tu lui enlèves plus personne ne le remarque. Le réseau social est un masque permanent, on montre nos morceaux choisis, on adapte notre masque en fonction des personnes que l’on veut toucher. Le baiser que j’ai peins est une métaphore de la séduction. La question est de savoir si on est soi-même quand on a envie de séduire. D’ou l’expression ‘les masques tombent” Je n’ai aucune fascination pour le catch, c’est ce que représente ce personnage masqué vivant son quotidien qui m’a interpellé. D’une galerie à l’autre, ils m’ont demandé d’approfondir cette premiere empreinte. Maintenant j’ai besoin et envie de passer à autre chose.

Comment expliques-tu le soutien pour ton Art au Pays Basque, une région encore conservatrice ou l’authenticité prévaut?

Il y a 10 ans on ne voyait que de la peinture régionaliste. La région évolue car elle est de plus en plus faite de résidences secondaires; le Pays Basque se laisse influencer par des résidents extérieurs et les codes qui vont avec et les accompagnent. Ce sont mes clients. Les locaux aiment présenter mon travail pour son aspect spectaculaire, mais il l’achètent peu. J’ai vendu ici des oeuvres plus consensuelles en local. Mon Art interpelle, il est atypique mais je suis convaincu que la région va s’ouvrir en matière d’Art contemporain et je ne serai pas surpris de voir émerger une foire d’Art en été par ici bientôt.

Tu as fait une série intitulée “social codes”, à quels codes sociaux fais-tu référence? Quel message fais-tu passer et penses-tu qu’il a un écho?

Plutôt que de m’arrêter sur la symbolique comme dans le cas du masque, je me suis penché sur l’attitude. J’ai fait des portraits tronqués, dans des attitudes froides et frontales, dénuées de mouvement, juste “être pour paraitre”, des personnages accessoirisés, l’homme et la femme portent un iPhone et une arme. La symbolique était “ il n’ a pas d’arme sans réseau et le réseau est une arme”.

Le réseau social pour les marqueteurs est un outil de propagande et de mensonge. Cette nouvelle façon de communiquer, de pouvoir communiquer et de travailler qui passe par ce code social me fascine.

Qui sont tes icônes sociales, politiques, religieuses, cinématographiques?

Bien qu’athée, le Christ m’a offert de magnifiques images pieuses, j’aime l’iconographie. Beaucoup de gueules de cinéma m’inspirent. J’aime beaucoup Vincent Cassel, il a une belle carrière sans se laisser pervertir. J’ai vu “enfant 44”, j’aime le personnage et son parcours, j’aimerais bien le rencontrer à l’occasion.

Penses-tu que la peinture figurative contemporaine crée du lien entre divers univers?

A l’origine, on constate dans l’Art contemporain, que la figuration narrative revient en force avec l’utilisation des techniques de la peinture classique, qui était une volonté de décrire et de raconter un environnement, un univers, c’était un instantané, des photographies, donc oui cela permet de révéler et de relier ces espaces et ces cultures. Il a une richesse dans la recherche visuelle qui est intéressante.

Quel terme aimerais-tu voir émerger, jaillir de tes projets ?

Water Memory 4, ©Yannick Fournié

L’évolution. En septembre 2015 je change d’atelier afin de pouvoir sculpter et faire du monumental. Je me sens aux balbutiements de mon activité d’artiste et j’ai envie d’aller vers d’autre médiums. La peinture est un passage. Je perçois mon Art comme une mutation. Le marché de l’Art permet à un artiste de fonctionner et de vivre mais il est un frein. Il y a des galeristes qui demandent a l’artiste d’être identifiable et reconnaissable pour devenir une marque sauf que ça limite la créativité, c’est souvent le cas. Ce qui m’intéresse c’est de travailler avec une galerie qui te défend quoi que tu fasses. Avec la nouvelle série on va me reconnaitre graphiquement mais les thèmes vont évoluer.

Qu’insuffles-tu au public au travers de ton œuvre ?

Je ne sais pas parce que je ne le fais pour le public, je crée ce qui me vient au fil de ma démarche. Je ne me pose pas la question de savoir comment le public va me percevoir. Je constate que je dérange et que je perturbe parfois, ça me va, l’essentiel c’est que j’inspire et fasse parler.

Le Caravage propose un naturalisme radical qui combine l’observation physique étroite avec une œuvre dramatique, voir théâtrale, et l’utilisation du clair-obscur.

Vous pourrez admirer les œuvres de Yannick Fournié lors de nombreuses expositions prochainement :

  • Summer Collective Show, Bertrand Delacroix Gallery – New York : 1er juin au 30 septembre 2015
  • Ouverture du show room Kaiman Gallery, Atelier – Show Room – Biarritz : 1er Septembre 2015
  • Expo Serenity pour les 1 an de l’hotel Yndo, Hotel Yndo – Bordeaux : 24 septembre 2015
  • Toronto international art fair, Van Der Planken Gallery – Anvers : 23 au 26 octobre 2015
  • Collective Show, Rize Gallery – Amsterdam : Novembre 2015

Yannick Fournier est représenté par les galeries suivantes :

  • Bertrand Delacroix Gallery – New York
  • Van Der Planken Gallery – Anvers
  • Rize Gallery -Amsterdam
  • Galerie Géraldine Banier – Paris

Article réalisé et écrit par Aurélie Siou