Home > La minute arty > La théorie des couleurs dans l’art
La théorie des couleurs dans l'art
La minute arty 16 Août 2016

La théorie des couleurs dans l'art

Les pigments ont été inventés il y a environ 40 000 ans. À leur époque, les Égyptiens utilisaient déjà une palette de 6 couleurs : le blanc, le noir, le bleu, le rouge, le jaune et le vert. Au Moyen-Âge, le bleu était hautement prisé car coûteux. Désormais, il existe toute une pensée autour de la psychologie des couleurs. Naturellement, au fil des siècles et des mouvements artistiques, les couleurs et leurs usages ont nettement évolué. Au même titre que la ligne, l’espace, la forme et la texture, la couleur est un élément visuel qui constitue une oeuvre d’art.

Cela explique pourquoi les artistes et théoriciens s’interrogent autant sur son sens et sa place… Voici quelques clés pour comprendre la théorie des couleurs.

La naissance de la théorie des couleurs

Parce qu’on a longtemps cru que toute couleur perceptible pouvait être recréée à partir des couleurs primaires, à savoir le rouge, bleu et jaune, la théorie des couleurs s’est initialement basée sur ce fameux trio. On doit la roue des couleurs, qui comporte les couleurs primaires et 3 ou 4 couleurs secondaires selon les versions, à Isaac Newton.

Cependant, c’est le poète allemand Jonathan Wolfgang von Goethe qui conceptualise en premier une théorie autour de la couleur. D’après lui, les couleurs sont composées à la fois de lumière et d’ombre. Ainsi, « le jaune est une lumière humectée par l’obscurité; le bleu est une ombre affaiblie par la lumière ». À l’inverse de Newton, Goethe établit une théorie plus psychologique que physiologique. Il s’appuie sur l’expérience de la couleur par l’œil et non la composition de la lumière.

Goethe inspira ainsi ses peintres homologues, qui avaient jusque-là déterminé des règles concernant tous les éléments visuels classiques d’un tableau, sauf pour la couleur. L’artiste Vassily Kandinsky, qui a lui aussi apporté une analyse capitale de la couleur, cite ce livre comme « un des travaux les plus importants ». Toutefois, bien avant cela, ce sont les Impressionnistes qui nous ont donné quelques leçons. Ils se concentraient alors sur l’essence de la couleur et comment mieux la représenter.

La roue des couleurs selon Goethe
La roue des couleurs selon Goethe dans le Traité des couleurs (1810),

L’influence des impressionnistes

En effet, les Impressionnistes ont révolutionné l’usage et la perception de la couleur. Ils allaient notamment à l’encontre de l’idée que foncer la couleur d’un objet pouvait créer  un effet d’ombre.  Au contraire, ses couleurs seraient plutôt complémentaires de celle de l’objet illustré. En peignant les mêmes paysages à différents moments de la journée, ils mettaient à l’épreuve cette hypothèse quant à la meilleure représentation de l’ombre.

Ainsi, ce mouvement artistique instaura une représentation tout à fait nouvelle de la lumière et de la couleur. Se concentrant sur ces deux éléments au détriment de la composition, Claude Monet, Edgar Degas et leurs semblables élargirent considérablement le champ des possibles. Ils s’aventurèrent vers des couleurs beaucoup plus vives et des mélanges inédits.

Claude Monet, Rouen Cathédrale, 1894

L’émotion des Expressionnistes

Dans leur profonde croyance du pouvoir d’expression émotionnelle de l’art, les Expressionnistes ont exploré l’effet des couleurs sur l’homme. En particulier, le groupe du Cavalier Bleu avec Kandinsky à sa tête a réalisé une profonde analyse des couleurs. Dans Du spirituel dans l’art et dans la peinture en particulier (1911), Kandinsky affirme que la véritable mission de l’art est d’ordre spirituel. Il élabore une sorte de grille de lecture des couleurs et attribue ainsi des émotions et sonorités à 10 couleurs. Il estime notamment que le jaune et le bleu sont opposés, à l’image du noir et blanc. Ainsi, « le bleu profond attire l’homme vers l’infini, il éveille en lui le désir de pureté et une soif de surnaturel ». Dans sa recherche d’abstraction, Kandinsky a produit des peintures qui ressemblent effectivement à des mélodies, et inspirent des mouvements de l’âme certains.

Yves Klein et le suprématisme

Quelques décennies plus tard, le bleu connaît un autre grand admirateur : Yves Klein. Par la même occasion, l’histoire de l’art connaît une nouvelle couleur : l’International Yves Klein Blue. Le suprématisme consiste à réduire la peinture ou la sculpture à leur forme la plus simple. Ainsi, seuls les éléments purement physiques de l’œuvre sont soumis au regard. Selon Klein, cela permettrait à la réalité invisible de nous apparaître. Ainsi, du vide d’un monochrome surgit toute la force de l’imagination. À noter que le Carré blanc sur Fond blanc de Kasimir Malevitch (1918) aura été précurseur de ce mouvement.

Yves Klein durant le tournage du film The Heartbeat of France dans l’atelier du photographe Charles Wilp, Düsseldorf, février 1961 © Photo Charles Wilp / BPK, Berlin

Aujourd’hui, la couleur reste en partie un mystère pour les artistes. Ils continuent de se poser des questions sur sa valeur, son utilisation et son rôle dans l’art. L’œil humain est capable de percevoir jusqu’à 10 millions de couleurs différentes. Une chose est donc certaine : la question de la couleur est encore loin d’être close !