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Les réseaux sociaux dans l'art contemporain
Artstyle 30 Juil 2015

Les réseaux sociaux dans l'art contemporain

Même si vous avez sûrement un ou deux irréductibles dans votre entourage qui refusent de s’y mettre et continuent de soutenir l’assaut, il est difficilement possible aujourd’hui de ne pas se faire happer, parfois malgré soi, par la vague des réseaux sociaux. Ils définissent les tendances à suivre, nos amitiés, notre vie sociale, parfois même professionnelle, et s’insinuent dans encore bien d’autres aspects de notre quotidien dont nous n’avons peut-être même pas conscience. Pas étonnant donc qu’ils finissent par débarquer dans le monde de l’art contemporain !

Sujet de réflexion sociétal pour certains, simple outils de communication pour d’autres. Prolongement de leur œuvre ou encore médium artistique à part entière. La place des réseaux sociaux dans le monde de l’art et l’usage qu’en font les artistes contemporains est un terrain par définition mouvant et expérimental dont personne ne connait encore bien les limites.

Ce qui est sûr c’est qu’au cœur des problématiques tentaculaires que soulève l’explosion actuelle des réseaux sociaux se trouvent les questions de communication et de vie privée à l’heure du numérique.

Dans la masse des initiatives artistiques allant dans ce sens, Artsper a voulu mettre en lumière quelques projets réalisés ces dernières années qui donnent à réfléchir sur les problématique de vie privée, de communication, de voyeurisme et de narcissisme qui sont à l’épicentre de l’utilisation des réseaux sociaux.

New Portraits- Richard Prince, Galerie Gagosian, New York, 2014 

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Les récents démêlés de Richard Prince sont le catalyseur d’une situation explosive dont les paramètres clefs sont les suivants: d’une part le moins en moins de limites reconnues par les artistes contemporains dans leur pratique artistique (tout peut être de l’art à partir du moment où l’artiste le décide), et d’autre part, le partage exponentiel de données à caractères personnelles des utilisateurs de réseaux sociaux sans réelle protection. Le résultat de cette équation ? L’exposition intitulée « New Portraits » présentée à la galerie Gagosian de New York, de septembre et octobre 2014, montrant 38 portraits choisis par l’artiste Richard Prince sur Instagram. Ici l’apport de l’artiste se résume à faire une capture d’écran et à ajouter à l’image quelques lignes de commentaires signées – et celui du galeriste de vendre ces « œuvres » pour près de 100 000 dollars. Bien sûr, les intéressés Instagram ne se sont pas vus demander leur avis…

The Artist is kind of present– An Xiao Mina, New York Zen Center, 2011

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En référence à la performance artistique de Marina Abramovic au MoMa intitulée « The Artist is present » -pour laquelle l’artiste était restée assise des journées entières sur une chaise alors que les visiteurs faisaient la queue pour pouvoir s’asseoir quelques minutes en face d’elle et échanger un regard intense et silencieux- l’artiste An Xiao Mina a imaginé une performance où elle était elle-même confortablement assise au milieu d’une pièce et donnait la possibilité aux visiteurs d’avoir un moment d’échange privilégié avec elle. Le silence ici aussi était de mise ; par contre les visiteurs étaient invités à rentrer en conversation avec l’artiste par messages texto ou tweeter. Une performance qui interrogeait la nature des relations sociales à l’ère des réseaux sociaux et l’interférence que ceux-ci représentent dans nos rapports directs à autrui.

C’est ici la question de la présence-absence qui est posée ainsi que celle de l’espace social virtuel que créent les réseaux sociaux. On peut aussi se demander si les réseaux sociaux impactent en profondeur le type de messages et de communication que les gens entretiennent.

We Feel Fine- Jonathan Harris, projet en ligne, 2005

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Depuis 2005, Jonathan Harris a constitué un catalogue de sentiments humains extraits de blogs en ligne. A des intervalles réguliers de quelques minutes et à l’échelle de la planète, le système informatique que l’artiste a mis en place recherchait les nouvelles entrées de blogs et extrayait les phrases contenant les expressions « I feel » ou « I am feeling ». Lorsque le système trouvait une telle phrase, elle était enregistrée en entier et le sentiment exprimé dans la phrase catalogué suivant les catégories suivantes : bonheur, tristesse, dépression etc. Le résultat de ce projet est une base de données de plusieurs millions d’expressions de sentiments humains augmentant de 15 à 20000 entrées par jour.

L’ambition de Jonathan Harris avec ce projet était de susciter l’empathie en rappelant le terreau commun de nos expériences.Cependant on peut se demander si l’étalage de sentiments à outrance -des millions en l’occurrence !- n’engendre pas plutôt l’anesthésie générale.

Rachel– Rachel Perry Welty, 2009

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Le 11 mars 2009, de 7h30 à 23h, l’artiste Rachel Perry s’est adonnée à l’exercice presque continu du statut facebook « exprimez-vous » : toutes les minutes de cet intervalle de temps défini, elle a tenté de répondre à la question -anciennement- posée par Facebook dans la barre de statut « qu’êtes-vous en train de faire ? » dans le but de soulever les questions du narcissisme, du voyeurisme et de l’identité comme points nodaux de l’utilisation des réseaux sociaux à l’époque actuelle.

Elle décrivit ensuite l’expérience comme éreintante (elle rapporte ne rien avoir pu faire ce jour-là) mais ce qui la surprit fut le nombre de demandes d’amitiés Facebook reçues des quatre coins de la planète après que la rumeur se soit propagée autour de son projet. Un grand nombre de gens lui ont alors écrit pour lui exprimer leur soutien.

D’une manière différente, ces quatre artistes interrogent la place des réseaux sociaux dans nos vie et la manière dont l’interconnectivité impacte fondamentalement notre réalité quotidienne, notre rapport aux autres et à nous-même. Mais au-delà, c’est encore l’éternelle question de ce qu’est l’art qui se pose : où se trouve l’art dans les captures d’écran de Richard Prince, le tweet intempestif d’An Xiao Mina ou le logiciel d’extraction de Jonathan Harris ? Dans le choix de l’artiste de rassembler un nombre de photos données sous un concept d’exposition ? Dans l’absolu d’une expérience vécue intensément au présent et labélisée « performance artistique»?

La question reste ouverte, mais ce qui est sûr c’est que quelque chose se passe, l’oeuvre nous interroge et nous fait mettre à distance nos pratiques sociales quotidiennes.




À propos d’Artsper

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