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Comprendre l’art rococo
La minute arty 22 Nov 2021

Comprendre l’art rococo

horloges d'art rococo
Trois horloges de style rococo, XVIIIe siècle

Le rococo est un mouvement artistique du XVIIIe siècle, difficile à définir, mais qui s’étend dans bien des domaines. L’art rococo touche autant l’architecture que la peinture, la musique, le mobilier, la décoration intérieure, la musique, et même la littérature. Héritier du baroque, l’art rococo se définit avant tout par la fantaisie et la frivolité des formes et des thèmes abordés. Il connut un grand succès en France et plus tard dans le reste de l’Europe. Partons avec Artsper à la découverte de l’art rococo…

Les origines du rococo

S’il devait y avoir un équivalent culinaire à l’art rococo, il faudrait imaginer un gros gâteau, couvert de sucre glace, de chantilly, de petits dessins et de praline. Car l’art rococo chatouille nos sens. Il offre au spectateur un florilège de fantaisies et d’artifices artistiques conçus pour flatter l’œil et l’esprit.

Le terme « rococo » est à l’origine péjoratif. Il désigne les formes artistiques qui découlent du mouvement baroque. Un art passé maître dans la mise en scène d’excès d’effets dramatiques, à la fin du XVIe siècle. Il est d’ailleurs amusant de noter que l’on retrouve la même référence dans la terminologie employée… Le terme « baroque » vient du mot portugais « barroco » et désignait une perle irrégulière. Le terme « rococo » reprend la même structure phonétique et désigne aussi « la rocaille », ces imitations de pierres irrégulières et artificielles que l’on pouvait trouver dans l’architecture et les jardins. Ainsi, le terme « rococo » est utilisé par les artistes néo-classiques pour moquer celles et ceux qui déploient tant d’adresse à jouer avec l’excès de frivolité artistiques.

Mais au-delà de l’usage péjoratif du mot, le terme « rococo » finit par désigner un mouvement artistique à part entière. Son âge d’or est le XVIIIe siècle, en France particulièrement, puis dans le reste de l’Europe. En peinture, l’art rococo se caractérise par des scènes montrant la joie de vivre… Une gaieté gratuite, un peu vaine, un peu frivole. La gravité du baroque a fait son temps, place aux scènes pastorales, aux petits chérubins, au libertinage et aux histoires l’amour ! Des peintres comme Honoré Fragonard, Antoine Watteau ou François Boucher l’ont bien compris. Pour plaire à cette aristocratie du 18e siècle qui a mis derrière elle la rigidité de Versailles et de Louis XIV, il faut savoir être léger. Alors l’art rococo s’emploie à réutiliser les mises en scènes et les effets dramatiques du baroque, mais cette fois-ci avec des couleurs plus claires et plus gaies.

tableau rococo
Nicolas Lancret, La Camargo dansant, vers 1730, National Gallery of Art, Washington

Un chef d’œuvre de l’art rococo

Les Heureux Hasards de l’Escarpolette de Honoré Fragonard est un chef d’œuvre de l’art rococo. Il montre une jeune noble faisant de la balançoire (à l’époque appelée une escarpolette). À l’arrière-plan, le feuillage abonde. L’artiste exécute un tour de maître dans le rendu des textures végétales un peu fantaisistes. Au premier plan, tout n’est que frivolité et jeu. La jeune fille se balance, en plein déséquilibre, en pleine asymétrie. Elle s’amuse tellement qu’elle fait tomber son chausson. Celui-ci s’envole dans les airs. Que c’est amusant… Elle sourit, de façon un peu provocante et joueuse. Sa robe part dans tous les sens, fougueusement, dans un ballet de soieries, de dentelles et de volutes. On voit même ses jambes : quelle indécence !

Petit à petit, la scène se dévoile. Dans l’ombre à droite, on voit l’homme avec lequel elle est venue. C’est lui qui pousse la balançoire. Pourtant ce n’est pas lui que nous regardons en premier, non. Celui qui nous intrigue, c’est bien l’homme à gauche du tableau. Il était caché dans le buisson et le voilà renversé par la jeune fille. Mais il ne s’en plaint pas, bien au contraire, son regard semble figé en extase vers les dessous de la jeune fille. Par son air ravi, on ne peut que deviner qu’il voit l’intérieur de ses cuisses. La jeune fille le sait, elle le regarde, elle en joue : cela doit être son amant. Tandis qu’une sculpture de deux petits chérubins et un triton semble observer la scène, médusés, un rai de lumière illumine une autre sculpture. Un cupidon met son doigt sur les lèvres, pour nous dire de nous taire : « Chut ! Restons légers… »

chef d'oeuvre d'art rococo
Honoré Fragonard, Les heureux hasards de l’Escarpolette, 1766-1769, Wallace Collection

La variété du rococo

L’art rococo a cela de magique qu’il met en scène un univers de joies et de plaisirs. Cela se traduit aussi dans les arts décoratifs et l’architecture. En France particulièrement, l’art rococo est souvent associé au « style rocaille » ou au « style Louis XV ». Bien que très similaires les historiens considèrent qu’ils recouvrent des réalités différentes. Rappelons au passage que ces termes ne sont que des terminologies historiques qui n’avaient pas cours à l’époque. Ce sont donc des dénominations artificiellement créées, et de fait, imparfaites.

L’art rococo dans les arts décoratifs connaît un âge d’or au milieu du XVIIIe siècle. Il se retrouve particulièrement dans la décoration d’intérieur, le mobilier et les objets à la fois décoratifs et fonctionnels. Ses principales caractéristiques ? Des lignes courbes et asymétriques, rappelant les volutes des coquillages ou des feuillages. Les arts décoratifs rococo utilisent en abondance les motifs de fleurs, de feuilles, de fruits et de rubans. Pour accentuer la gaieté et la luminosité, les artisans privilégient les teintes claires (blanc, ivoire et or) et on multiplie l’insertion de peinture et de miroirs dans tous les espaces disponibles.

Ainsi, sur les ferronneries, les arts de la table, les plafonds et les encadrements de cheminée, les cabinets et les fauteuils, l’art rococo est partout. En architecture certains de ces principes sont aussi appliqués, mais peu en France. On retrouve les principes de l’art rococo particulièrement en Bavière ou en Prusse. Et même, d’une certaine manière, dans les grands monuments de Saint-Pétersbourg.

Toutefois le rococo finit par passer de mode. À la fin du XVIIIe siècle, les artistes et le public privilégient un retour à un art plus solennel, plus rigide. Des intellectuels tels Voltaire critiquent ce style qu’ils qualifient de « dégénéré » et de « superficiel ». Le grand architecte français Jean François Blondel déclare « ridicule le pêle-mêle des coquillages, dragons, roseaux, palmiers et autres plantes ». C’est alors l’essor du néo-classicisme, avec Jacques Louis David en figure de proue…

canapé style rococo
Un canapé style Louis XV

Le renouveau du rococo

Toutefois l’art rococo n’est pas mort… S’il désigne en effet un mouvement artistique du XVIIIe siècle, borné dans le temps, il connaît depuis quelques décennies un regain d’intérêt. À la faveur de la mondialisation et d’un goût prononcé pour le « luxe à la française », le style rococo renaît de ses cendres. Dans les hôtels cinq étoiles, dans les intérieurs bourgeois, et auprès d’une population étrangère aisée, on voit apparaître de plus en plus des éléments mobiliers qui reprennent ses formes fantaisistes et surchargées. L’usage de satin et de dorure, les motifs sculptés ou moulés, les formes courbes et les matériaux nobles, sont autant de réminiscences de ce style rococo.

décoration intérieure néo-rococo
Vue d’une décoration d’intérieure contemporaine inspirée du rococo, Credit Photo: Juliette Interiors

Ironiquement, ce néo-rococo continue d’être moqué par de nombreuses personnes, qui en critiquent l’aspect quelque peu surchargé et factice. Mais la cohabitation des styles et des influences permet aujourd’hui de satisfaire toutes les sensibilités. De nombreux artistes contemporains se sont d’ailleurs saisis de ce style pour en livrer une interprétation nouvelle, parfois ironique, parfois simplement esthétique.