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Les Grands Maîtres détournés par des artistes contemporains
Inspirez-vous 17 Mai 2023

Les Grands Maîtres détournés par des artistes contemporains

C’est vrai que l’art a-t-il une mission suprême ? Une responsabilité vis-à-vis de son public ? Un principe directeur ? Cette question, qui a obsédé bon nombre d’artistes, de philosophes et d’intellectuels en tous genres, n’a hélas pas de réponse. L’avènement de l’art abstrait et de l’art conceptuel a considérablement brouillé les pistes. Plus que jamais, l’art est sans limites, sans définitions, sans règles. Toutefois, on peut se permettre de déceler des caractéristiques communes dans toute forme d’art: la mise en oeuvre d’une technique et la recherche d’une originalité notamment. Mais l’originalité en art est une notion trouble. Rien n’est jamais purement original, sorti du néant. La référence au passé est inévitable. De nombreux artistes d’aujourd’hui en sont conscients et attirent délibérément l’attention sur leurs sources d’inspiration, en s’inspirant des grands maîtres le passé et le présent.

Découvrez comment les artistes contemporains s’inspirent aujourd’hui des grands maîtres pour réinterpréter leurs tableaux classiques.

Marco Bottiglioni revisite Les Romains de la décadence, œuvre d'un des grands maîtres de l'histoire de l'art, Thomas couture, 1847
Marco Bottiglioni revisite Les Romains de la décadence, Thomas Couture, 1847

La Cène, Léonard de Vinci

Ce tableau de Léonard de Vinci, l’un des grands maîtres de l’histoire de l’art, est l’une des œuvres les plus célèbres jamais peintes. Admirée par tous et copiée dans le monde entier par des artistes et des entreprises depuis qu’elle a été peinte à la Renaissance, il n’est pas surprenant que cette œuvre continue d’inspirer les artistes contemporains. Bien qu’elle représente la scène biblique par excellence, la Cène, les artistes d’aujourd’hui y apportent leur propre touche contemporaine, de manière souvent inattendue.

Leonardo da Vinci, La Cène 1495-1498 © Domaine publique
Leonardo da Vinci, La Cène, 1495-1498 © Domaine public

L’un de ces artistes n’est autre que David Lachapelle. Son interprétation de la Cène représente Jésus de manière parfaitement conforme à l’iconographie chrétienne, mais ses apôtres ont légèrement changé… Mis à part les tatouages et les casquettes de baseball, ils sont sans aucun doute une représentation plus fidèle des véritables apôtres (des Juifs d’Israël descendant des Égyptiens).

David Lachapelle, The Last Supper, 2003 © David Lachapelle
David Lachapelle, The Last Supper, 2003 © David Lachapelle

L’artiste Anne-Catherine Becker-Echivard réalise un rendu tout aussi saisissant de cette pièce classique. En règle générale, Becker-Echivard rejette la déshumanisation du travail et ridiculise souvent l’aspect sacro-saint du corporatisme. Selon elle, rien ne permet de faire passer ce message aussi bien qu’une iconographie globalement puissante. Mais, Jésus et ses apôtres auraient-ils aimé se faire passer pour des poissons rouges … « Père, pardonne-leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ». (Luc, 23:24).

Anne-Catherine Becker-Echivard, Triple A, 2012 © Fotofever A satirical spin on the great masters.
Anne-Catherine Becker-Echivard, Triple A, 2012 © Fotofever

Innocent X, Diego Velasquez

Peint en 1650 par Diego Velasquez, il s’agit d’une oeuvre emblématique de ce grand maître. Commandée par le Pape Innocent X, cette œuvre a suscité une vive polémique dans le palais épiscopal. Alors que le Pape souhaitait un portrait empreint de sagesse et d’illumination divine, Velasquez le peint tel qu’il est : autoritaire et empourpré par ses fréquentes colères. « Troppo vero ! » (« Trop réaliste ! ») lui aurait dit le pape avant de lui demander de recommencer. Mais Velasquez, refuse catégoriquement et le pape finit par accepter l’oeuvre.

Diego Velazquez, Innocent X, 1650 © Public Domain
Diego Velazquez, Innocent X, 1650 © Public Domain

Francis Bacon est un peintre dont le travail est empreint d’une grande tradition de la peinture. Cette reprise de Innocent X en 1953 nous rappelle la violence et la force qui sont si caractéristiques de son travail. Au lendemain des atrocités de la Seconde Guerre Mondiale, l’image torturée qu’il donne du passé choque et gêne les spectateurs. Alors que Pie XII est toujours pape en 1953, le pape de Francis Bacon est déjà à moitié mort…

Francis Bacon, Study after Velázquez’s Portrait of Pope Innocent X, 1953 © desmoinesregister.com



La qualité du travail de Yan Pei Ming est double. Avec une très grande maîtrise technique de la peinture à l’huile, il parvient à donner une note pop à son répertoire pictural en répétant des sujets forts dans différents coloris tel un Andy Warhol. Sa reprise de Innocent X en 2015 en revanche est davantage une altération du classique de l’histoire de l’art…

Yan Pei-Ming, Innocent X, 2015 © Thaddaeus Ropac
Yan Pei-Ming, Innocent X, 2015 © Thaddaeus Ropac

L’enlèvement de Ganymede, Artiste inconnu et La Descente de la Croix, Rogier Van Der Weyden

Rogier Van der Weyden est considéré comme l’un des principaux grands maîtres et comme l’un des principaux promoteurs de la Renaissance. On dit même que sa Descente de croix (1435) marque le début de la Renaissance dans l’art. Il n’est donc pas surprenant que ses œuvres représentent un tournant très important dans le monde de l’art. Les artistes d’aujourd’hui s’inspirent de la virtuosité de son exécution des reliefs, des figurations et des émotions. Fidèles à leur habitude, les artistes contemporains s’emparent de la tradition et la transforment en quelque chose d’innovant…

Rogier Van Der Weyden, Descent from the Cross, 1435 © Museo Nacional del Prado
Rogier Van Der Weyden, La Descente de la Croix, 1435 © Museo Nacional del Prado

L’enlèvement de Ganymede est un thème mythologique récurrent dans la tradition picturale européenne très utilisé par les grands maîtres de la peinture. Il fait référence à l’enlèvement du jeune Ganymede par Jupiter métamorphosé en aigle. C’était un thème relativement polémique puisqu’il renvoyait à l’homosexualité – voire le viol – d’un jeune garçon.

Unknown artist, The abduction of Ganymede, 1532 © Public Domain
Unknown artist, The abduction of Ganymede, 1532 © Public Domain

Un jeune artiste français, The Kid, s’est indirectement inspiré de l’œuvre de Rogier Van Der Weyden et du thème de l’enlèvement de Ganymède pour en livrer une vision contemporaine. En rassemblant la mythologie gréco-romaine avec la tradition chrétienne, et en mêlant l’image du sacrifice avec celle de la victime, l’œuvre Blessed is the lamb whose blood flows (« Béni soit l’agneau dont le sang est versé ») datant de 2015 nous plonge dans une profonde réflexion.

The Kid, Blessed is the lamb whose blood flows, 2015 © Têtu

Saint Sebastien, Guido Reni

Le thème de Saint-Sebastien est très répandu pendant la Renaissance. Il permet de représenter la passion, la souffrance, et le corps dénudé de l’homme. Guido Reni, un des grands maîtres de la Renaissance tardive, en livre une version très sensuelle et pleine de mélancolie, à la limite de l’érotisme en 1615.

Saint Sebastian, Guido Reni, 1615 © Public Domain
Saint Sebastian, Guido Reni, 1615 © Public Domain

Le célèbre duo Pierre et Gilles s’est inspiré de Saint Sebastien en 1987. Mais cette fois, la sensualité érotique du modèle ne fait plus de doute. Affublé d’attributs kitchs, l’oeuvre tombe dans un masochisme contemplatif, une apologie du plaisir sexuel de la souffrance.

Pierre Commoy et Giles Blanchard, St Sebastien, 1987 © Saint Sébastien

La Joconde, Léonard de Vinci

Il ne serait pas possible de conclure cet article sans mentionner le tableau le plus célèbre de tous… Tout le monde connaît la Joconde. Elle est devenue une icône de la culture pop et est sans doute l’une des œuvres les plus copiées et revisitées de l’histoire de l’art. Son regard mystérieux, son sourire et son identité ne manquent jamais d’attirer l’attention des gens. Il n’est donc pas surprenant que les artistes d’aujourd’hui ne puissent s’empêcher de se réapproprier le génie de De Vinci dans leurs œuvres. De l’art graphique au street art, la Joconde est partout !

La Joconde (Mona Lisa), Léonard de Vinci, 1503-1519
Leonard de Vinci, La Joconde, 1503-1506 © Domaine Publique

Les remakes de la Joconde ne sont pas nouveaux dans le monde de l’art. Le remake dadaïste de Duchamp, LHOOQ, en 1919, a réussi à renouveler la popularité de l’œuvre de De Vinci et a inauguré une tendance aux remakes célèbres. Des grands noms comme Andy Warhol, Basquiat, Botero et Banksy ont depuis lors donné leur propre tournure à cette œuvre classique. Ce faisant, ils n’ont fait que contribuer à l’immortalité de ce tableau mystérieux.

Marcel Duchamp, LHOOQ, 1919 © Public domain US
Marcel Duchamp, LHOOQ, 1919 © Public domain US

L’adaptation de l’œuvre de De Vinci par Roy Lichtenstein est sans doute l’un des remakes les plus emblématiques. Liechtenstein emploie son style classique influencé par les bandes dessinées et la publicité, utilisant des couleurs vives et des points Ben-Day pour revitaliser l’original. Bien que ses références à La Joconde soient claires, il est également évident que Lichtenstein, en tant qu’icône du pop art, n’a pas peur d’ajouter son propre charisme et son propre style à cette œuvre magistrale.

Roy Lichtenstein, Mona Lisa © Roy Liechtenstein Foundation

Une touche contemporaine pour les grands maîtres…

Les artistes d’aujourd’hui prouvent que l’art contemporain n’a pas besoin d’être un mouvement autonome. S’inspirer des grands maîtres offre non seulement la possibilité de renouveler et d’enrichir la tradition, mais aussi de créer une nouvelle convention de la culture pop. Des artistes comme Lachapelle, Lichtenstein et Bacon ont démontré que les messages contemporains sont peut-être encore plus frappants dans des contextes classiques et iconiques.

Si vous avez aimé découvrir comment l’iconographie classique est intégrée à la scène artistique contemporaine, vous apprécierez peut-être notre collection d’œuvres inspirées par la Renaissance !




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